Le 13 avril, CABRI a accueilli des gestionnaires de la dette publique de 15 pays africains à la septième réunion d’engagement du réseau. Suite aux récents défauts souverains d’au moins deux pays africains dans le cadre de négociations en cours avec le Fonds monétaire international (FMI) et de l’attention croissante portée aux euro-obligations massives dont le remboursement est prévu dès 2024 (selon les estimations de Moody’s), CABRI, en collaboration avec le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) et la Commission économique pour l’Afrique (CEA), a examiné comment les gouvernements africains abordent la reconduction, le refinancement de la dette et les risques budgétaires liés aux émissions d’euro-obligations. Le Bénin et la Sierra Leone ont partagé leurs expériences nationales en ce qui concerne l’application de diverses stratégies de gestion active de la dette et des risques, telles que les échanges de créances (ou conversions), le reprofilage de la dette, d’autres opérations novatrices de gestion du passif ainsi que les rachats de dettes dans le cadre de la gestion et/ou de la réduction du risque de refinancement public. Le Bénin et la Sierra Leone ont également fait part des enseignements qu’ils ont tirés de la mise en œuvre des principaux indicateurs de portefeuilles et autres indicateurs de dette pour procéder au suivi et au reporting des performances de leurs portefeuilles de dette par rapport à ces indicateurs.
1. Contexte
L’idéal serait que les stratégies ou les opérations de gestion active de la dette, telles que les rachats de dette et les échanges ou conversions de dette, fassent partie du plan d’emprunt annuel (PEA) ou soit exécutées volontairement dans le cours normal des réformes du marché de la dette en monnaie nationale, ce qui présente l’avantage d’améliorer la transparence de la dette et la responsabilité financière. Bien que les rachats de dette puissent obliger un gouvernement à dégager des excédents budgétaires ou, dans de rares cas, à disposer de liquidités excédentaires, les échanges de titres de créance sont sans effet sur la trésorerie. Cela signifie que le gouvernement n’a pas besoin de lever la totalité des liquidités à l’avance (dans le cadre du programme de financement) pour honorer ses engagements de remboursement, car les obligations (à plus court terme) sur le point d’être remboursées sont échangées contre des obligations à plus long terme (liquidité contre liquidité). Le ratio de trésorerie immédiate exprime le montant de l’obligation de destination (nouvelle et/ou à plus long terme) équivalent à celui de l’obligation source (ou échangée).
La discussion interactive a mis en évidence d’autres caractéristiques importantes des échanges de créances, à savoir que, bien qu’ils soient neutres sur le plan de la trésorerie, les échanges de créances ne sont pas neutres sur le plan du portefeuille (ou de la duration). Si les gestionnaires de la dette estiment que la duration est une meilleure approximation pour une mesure ou un indicateur de coût, alors une augmentation de la duration, due au passage au segment à plus long terme de la courbe des taux (ou courbe de rendement) augmentera le coût ou ajoutera une marge de coût au coût d’emprunt attendu du simple financement du déficit budgétaire (toutes choses étant identiques par ailleurs). Toutefois, le risque (de refinancement) diminuera à mesure que la durée moyenne jusqu’à l’échéance (indicateur de risque) du portefeuille s’allongera (s’améliorera).
Bien que les indicateurs à moyen terme du surendettement aient tendance à être principalement des indicateurs de risque, l’objectif de gestion de la dette qui sous-tend la stratégie de gestion de la dette met l’accent sur une réduction du coût de la dette à moyen terme. Par conséquent, lors de l’intégration des échanges de créances au plan d’emprunt annuel, il faudra trouver un juste équilibre entre les objectifs de réduction des coûts et les objectifs de réduction des risques. La réduction du risque de refinancement et/ou des perspectives de défaut de paiement, ne devrait pas être réalisée à un coût perpétuel pour le gouvernement.
Le débat interactif a également porté sur l’effet de solvabilité de l’exécution involontaire d’échanges de créances. Souvent, les agences de notation traitent ou classent les échanges de dettes comme un cas de défaut de paiement. L’intervenant a conseillé aux gestionnaires de la dette de ne pas utiliser les échanges de créances comme un moyen de dissimuler les défauts de paiement ou l’incapacité du gouvernement à respecter ses obligations de remboursement à leur échéance.
2. Expériences nationales
Le Bénin
A mis en place une stratégie d’atténuation des risques qui repose sur 3 piliers : (i) une gestion efficace des finances publiques ; (ii) l’amélioration de la solvabilité du Bénin (degré de solvabilité ou qualité de la signature) ; et, (iii) une gestion proactive de la dette publique. Le Bénin a réalisé avec succès plusieurs opérations de gestion du passif, à savoir :
i) L’opération de reprofilage de la dette intérieure de 2018 qui a permis au Bénin de mobiliser des ressources auprès d’une banque commerciale internationale sur 12 ans à un taux d’intérêt inférieur à 4 %, réalisant ainsi une économie totale d’environ 52,4 millions d’euros, qui a été utilisée pour financer les dépenses sociales et le programme d’investissement public ;
ii) L’émission de 2021 d’euro-obligations de deux tranches, respectivement, à 11 ans à des taux d’intérêt de 4,875 % et à 31 ans à des taux d’intérêt de 6,875 %. Celle-ci s’est doublée de l’opération de gestion du passif qui a permis le remboursement anticipé de 65 % de la première euro-obligation émise par le Bénin en 2019, ce qui lui a permis de lisser le profil d’amortissement de la dette publique tout en réduisant le remboursement du principal de la dette sur la période 2024-2026 ;
(iii) L’opération de reprofilage de la dette intérieure de 2021 a permis au Bénin de mener à bien une opération innovante de remboursement d’obligations du Trésor émises sur le marché obligataire régional de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) pour un montant total de 217,9 milliards de francs CFA. L’opération a permis le remboursement anticipé de dettes contractées dans des conditions de marché moins favorables et utilisées pour financer des projets éligibles aux Objectifs de développement durable (ODD).
La Sierra Leone a procédé à 3 rachats de dettes :
i) Rachat de dettes commerciales extérieures en 1996, suivi d’un deuxième rachat en 2009 au titre de la facilité d’allégement de la dette (DRF).
ii) Rachat de dettes intérieures également en 1996 et augmenté en 2002. La dette qui a été souscrite avec succès par les créanciers nationaux a été classée en trois catégories : soumission à un appel d’offres ; bon de commande local et sollicitation d’une source unique, à des taux d’actualisation respectivement de 45 %, 35 % et 15 %.
iii) Rachat de dettes intérieures en 2017 pour apurer les arriérés intérieurs.
En termes de valeur actualisée nette (VAN), l’encours de la dette de la Sierra Leone a été ramené de 1 197,6 millions d’USD à la fin de 2005 à 483 millions d’USD à la fin de 2006, après l’allégement au titre de l’Initiative PPTE, puis, à 110 millions d’USD après l’allégement au titre de l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM). Le ratio de la dette extérieure au PIB est tombé de plus de 220 % du PIB en 2003 à environ 43 % du PIB en 2007 et, à long terme, la VAN du ratio de la dette aux exportations devrait augmenter progressivement mais restera inférieure à 70 %. Aucune nouvelle dette commerciale n’a été contractée depuis l’Initiative PPTE et les créanciers extérieurs sont essentiellement composés de créanciers bilatéraux et multilatéraux offrant des crédits concessionnels.
Pour toute demande de renseignements, veuillez envoyer un courriel à Jim Matsemela au jim.matsemela@cabri-sbo.org.