Dans ce blog, nous partageons des enseignements clés sur un sujet crucial mais négligé – comment préparer les systèmes de GFP à faire face à la prochaine crise.
Les catastrophes peuvent gravement perturber les finances publiques en raison de demandes de dépenses supplémentaires, de recettes limitées, de perspectives de croissance affaiblies et de besoins d'emprunt plus élevés. Du fait de la COVID-19, les gouvernements de l'Afrique subsaharienne ont vu leurs recettes diminuer de 10 à 15 % en 2020, tandis que les dépenses supplémentaires liées à cette maladie à travers le continent ont dépassé 60 milliards d’USD[1].
La résilience est donc une préoccupation majeure pour les ministères des Finances. Des systèmes de GFP solides sont essentiels pour atténuer et gérer les crises, mais il a été constaté à plusieurs reprises qu'ils étaient inadéquats. Des contrôles rigides des dépenses, des processus de passation de marchés inadaptés, des outils de suivi des dépenses sous-développés et des relations budgétaires intergouvernementales faibles sont quelques-uns des goulets d'étranglement de la GFP à la résilience mis en évidence dans un récent dossier de politique, intitulé Policy brief on Resilient public financial management: emerging practice and implications for the health sector (Dossier de politique sur la gestion résiliente des finances publiques : les nouvelles pratiques et les implications pour le secteur de la Santé). Ce dossier, dont ce blog s'inspire largement, rend compte des réflexions faites par ReBUILD for Resilience Consortium, CABRI, Building Resilience in Ethiopia, Oxford Policy Management, l'Organisation mondiale de la Santé et la Banque mondiale au cours d'un webinaire qui a eu lieu en novembre 2022.
Tout au long du cycle de GFP, il est possible d'adapter ou de modifier les processus existants afin d'accroître la réactivité et la résilience face aux catastrophes. Cela peut se produire au début d'une crise, de manière réactive ou en renforçant de manière proactive la résilience en temps normal.
Intégrer les risques de catastrophe dans les processus d'élaboration du budget
Quantifier les risques budgétaires liés aux catastrophes. Au début du processus budgétaire, lorsqu'un ministère des Finances prévoit des recettes globales et détermine des plafonds de dépenses, la quantification des risques budgétaires liés aux catastrophes peut aider le gouvernement à mieux comprendre le coût budgétaire potentiel des catastrophes et à constituer une provision pour ce coût. En Éthiopie, le ministère des Finances a élargi son registre des risques budgétaires pour inclure les risques de sécheresse, d'inondation, d'infestations acridiennes et d'épidémies[2].
Réserves pour imprévus. Les imprévus budgétaires (tels que les fonds de réserve ou les budgets généraux pour imprévus) peuvent être un instrument utile pour faire face aux dépenses liées aux catastrophes. Les recherches menées par le Moniteur africain des mesures en finances publiques COVID-19 de CABRI ont révélé que la plupart des pays africains ne disposaient pas de réserves nationales pour imprévus pour répondre à la pandémie et, lorsqu'ils en disposaient, ceux-ci n'étaient pas suffisamment financés. Les contraintes d’espace budgétaire et les coûts d'opportunité associés à la détention de fonds dans une réserve où ils pourraient rester inactifs sont les principales raisons pour lesquelles les réserves en cas de catastrophe restent rares, malgré la fréquence croissante des catastrophes. L'utilisation de fonds d'urgence pour financer des risques plus fréquents et moins graves est une stratégie pour limiter les coûts d'opportunité possibles.
Intégrer les risques de catastrophe dans les processus d'exécution du budget
Marchés publics d'urgence. Les procédures de passation des marchés publics d'urgence accélèrent l'exécution du budget lors d'une catastrophe, mais les performances sont inégales. Les recherches de CABRI ont montré que, conformément aux tendances mondiales, les efforts de passation des marchés publics d'urgence des gouvernements africains n'étaient ni efficaces de manière satisfaisante ni pleinement responsables[3]. Plusieurs pays n'avaient pas de dispositions relatives aux marchés publics d'urgence et, lorsqu'elles existaient, celles-ci étaient incomplètes ou obsolètes, ce qui obligeait les gouvernements à émettre des avis de dérogation (d’écart) supplémentaires. Des réglementations complètes et réalisables en matière de passation des marchés publics d'urgence, des systèmes de passation électronique des marchés, une meilleure planification de la passation des marchés et une meilleure coordination entre les entités adjudicatrices augmenteraient la probabilité que les biens vitaux soient achetés et distribués en temps voulu et de manière responsable.
Réaffectations budgétaires. Les réaffectations budgétaires sont un outil courant pour répondre aux demandes de dépenses imprévues à la suite d'une catastrophe. L’étude de 50 pays africains, réalisée par CABRI, a révélé que 36 d'entre eux ont produit une loi de finances rectificative en réponse à la crise de la COVID-19. Malgré leur utilisation répandue, les procédures de loi de finances rectificative sont souvent moins transparentes et participatives et entraînent un coût important en termes de pertes de rendements résultant de dépenses annulées ou reportées. Les recherches menées par le Centre for Disaster Protection (Centre de protection contre les catastrophes) montrent que l'institutionnalisation des processus ex ante pour déterminer quand et comment les réaffectations budgétaires doivent avoir lieu peut réduire le temps nécessaire à ces réaffectations et diminuer ces coûts d'opportunité. Il s'agirait d'identifier les postes de dépenses qui ne sont pas viables, qui sont sous-utilisés ou qui sont peu prioritaires, d'élaborer un cadre de décision sur la sous-utilisation en cas de catastrophe ex post et d'énoncer clairement les politiques et les processus à suivre lors des réaffectations budgétaires[4].
Intégrer les risques de catastrophe dans les processus de reporting et de suivi
Suivi des dépenses et transparence. Les gouvernements africains ont publié peu d'informations sur les dépenses réelles par rapport aux dépenses prévues pour faire face à la COVID-19[5]. Les structures comptables des administrations publiques ne sont pas toujours conçues pour suivre les dépenses d'urgence. Changer cette structure comptable s’avère un processus lent et difficile. Une approche plus simple adoptée par certains gouvernements a consisté à ajuster leurs systèmes d'information relatifs à la gestion financière (SIGF) de façon novatrice pour suivre les dépenses d'urgence, tout en maintenant les structures de codification comptable existantes. Par exemple, en Éthiopie, un système de marquage budgétaire dans le SIGF signale les dépenses sur l'ensemble du cycle de catastrophe (réduction des risques, préparation, intervention et reprise). Pendant la COVID-19, le SIGF du Bénin a été modifié pour suivre les dons en nature liés à la pandémie, et le SIGF du Togo suit les paiements de transferts monétaires, réduisant ainsi le risque de fraude ou de retard.
Participation et responsabilité. Pendant la COVID-19, la participation des citoyens à la formulation du budget était généralement inexistante ou trop limitée dans le temps pour être significative. La supervision parlementaire des dépenses a également souffert, les parlementaires disposant de moins de temps et d'informations pour examiner les plans de dépenses ou ceux-ci ont été complètement contournés. Cependant, plusieurs parlements ont adopté des pratiques « agiles ». Le Parlement sud-africain déploie un système de plénière hybride en cinq jours. Les institutions supérieures de contrôle des finances publiques ont réussi à mettre en lumière la corruption et certaines ont procédé à des audits accélérés ou en temps réel. Maurice, l'Afrique du Sud et la Sierra Leone ont publié des audits pour les fonds consacrés à la COVID-19 avant la fin de 2020. Dans le cas de ce dernier pays, cet audit s'est appuyé sur l'expérience acquise lors de la crise Ebola.
Des conclusions importantes ont émergé pour renforcer la réactivité et la résilience des systèmes de GFP face aux catastrophes. Certes, la pandémie de COVID-19 a pris fin, toutefois, nous devons continuer à documenter et à diffuser les enseignements tirés de ce qui a fonctionné et de ce qui n'a pas fonctionné pendant cette crise, afin que les décideurs politiques du monde entier puissent tirer parti des crises passées pour préparer leurs systèmes de GFP aux crises futures.
[1] CABRI, 2021. Série du Moniteur Africain des Mesures en Finances Publiques COVID-19.
[2] Centre for Disaster Protection, 2023. Opportunity Cost of COVID-19 Budget Reallocations: Ethiopia
[3] CABRI, 2021. Rationalisation des processus de passation des marchés publics pendant la pandémie de COVID-19 : Équilibrer l’efficacité et la responsabilité
[4] Centre for Disaster Protection, 2023. Opportunity Cost of Covid-19 Budget Reallocations: Cross-Country Synthesis
[5] IBP, 2021. Managing COVID Funds: The Accountability Gap.