Rodrigue Chaou est Directeur Général du Budget, Pierrot Sego est Directeur de la Préparation et du Suivi de l'Exécution de la Loi de Finances et Mirielle Codjovi est Responsable de l'Unité de Pilotage de la l'Amélioration de la Transparence Budgétaire et de la Communication auprès de la Direction Générale du Budget du ministère de l'Économie et des Finances du Bénin. Ils faisaient partie du programme de jumelage de CABRI entre le ministère de l'Économie et des Finances du Bénin et le ministère du Budget de la Guinée-Conakry en 2018 et 2019. Ce blog décrit l'expérience du Bénin en matière d'amélioration de la transparence budgétaire, de la responsabilité et de la participation du point de vue des fonctionnaires qui continuent à mettre en œuvre de telles réformes.
Le Bénin s’est engagé depuis l’année 2013, après la publication des résultats de sa première participation à l’évaluation de la transparence budgétaire effectuée par l’International Budget Partnership (IBP), dans une dynamique de renforcement de l’accessibilité du public à l’information budgétaire et financière, de promotion de la participation du public au processus de décision financière publique et d’amélioration de la contribution du Parlement à la gestion des finances publiques en général.
Jusqu’en 2012, l’élaboration, l’adoption, l’exécution et le contrôle de l’exécution de la loi de finances n’étaient accompagnés d’aucune activité destinée à assurer l’ouverture du processus budgétaire. Les acteurs impliqués, provenaient pour la plupart du secteur public et, les documents budgétaires étaient produits pour l’administration à des fins internes. Il était donc noté :
- une absence de dialogue avec le public sur la définition des orientations économiques et budgétaires ;
- une imprécision sur les objectifs des politiques publiques ;
- une faible adhésion des populations à la mise en œuvre des réformes indispensables ;
- une absence totale de mécanismes d’accès à l’information sur la gestion des finances publiques (pas de culture de reddition de comptes) ; etc.
La problématique majeure qui se posait au Bénin à l’époque avait une double dimension : comment inscrire le processus budgétaire dans une dynamique de communication régulière et continue avec les citoyens et quels pouvaient être les documents supports des échanges permanents de l’administration publique financière avec les populations sur le processus budgétaire ?
L’état des lieux fait en 2013 sur la pratique de la transparence et l’ouverture budgétaires au Bénin révèle : (i) une insuffisante prise en charge des questions liées à l’accessibilté du public aux données budgétaires ;
- l’absence de mécanismes d’implication du public dans le processus budgétaire ;
- une faible documentation du projet de loi de finances ;
- un écart important entre le contenu des documents budgétaires et les informations requises par étape de la procédure budgétaire selon les normes internationales ; et,
- un déficit de communication sur les résultats issus de l’exécution du budget de l’État.
Les défis qui ressortent de ce tableau sont de plusieurs ordres. Ils concernent l’identification des canaux appropriés de diffusion de l’information budgétaire, la mise en place de stratégies de recours à l’avis des populations sur les orientations budgétaires et de discussions avec les différentes couches de la population sur les choix de politique publique, le renforcement de l’information des parlementaires par la densification des informations produites en annexe au projet de loi de finances, la recherche de l’exhaustivité du contenu des documents budgétaires et la promotion sur la sphère de l’administration publique ainsi que sur l’esprit de redevabilité.
L’analyse du périmètre d’activités couvert par les différents axes de la transparence budgétaire a montré que la pratique de l’ouverture budgétaire, de la participation publique au processus de décision budgétaire et de la reddition des comptes n’est pas circonscrite au domaine de compétence du pouvoir exécutif. Elle s’étend au pouvoir législatif et prend en compte, pour être complète, le pouvoir juridictionnel.
Le Bénin a ainsi, fort du caractère plurisciplinaire et transversal de la transparence budgétaire, opté pour une approche intégrée de définition et de mise en oeuvre des actions dédiées à l’amélioration de la participation citoyenne, au processus de décision financière publique, de reddition des comptes et d’ouverture des processus budgétaires. Cette démarche a été consacrée le 31 mai 2013 par l’organisation d’un atelier national de dissémination des résultats de l’évaluation de l’IBP de 2012. En prélude à l’atelier, un rapport d’analyse des résultats et de réalisation de l’état des lieux de la transparence budgétaire a été produit. Ce rapport a servi de document support aux discussions. Ont pris part à cet atelier, des responsables des structures centrales du ministère chargé des finances, des délégués des organisations de la société civile, des parlementaires ainsi que des partenaires au développement. C’était l’occasion pour les acteurs de la gestion des finances publiques, de prendre connaissance des piliers sur lesquels repose la transparence budgétaire, de se familialiser avec la méthodologie de l’évaluation de l’ouverture budgétaire par l’IBP, les questions de délai à observer pour la publication des documents budgétaires, de discuter les observations et recommandations formulées par les évaluateurs en direction du Bénin. L’atelier a permis également de partager les bonnes pratiques et les normes definies à l’international en matière de transparence (telles que les normes de l’OCDE, les normes du FMI).
Les travaux de l’atelier du 31 mai 2013 ont abouti à l’adoption d’une résolution qui constitue depuis lors, le fil conducteur des activités de promotion de la transparence et de la participation publique au processus budgétaire. Il s’agit de la décision de la mise en place, chaque année, d’un plan d’actions annuel de l’amélioration de la transparence budgétaire, de la participation publique et de la dynamisation de l’écosystème de redevabilité. Le plan d’actions pour l’amélioration de la transparence budfétaire et de la participation publique au processus budgétaire au Bénin est une matrice des actions à réaliser sur le périmètre d’activités du gouvernement, du Parlement et de la juridiction financière en faveur de la transparence budgétaire.
La pratique béninoise d’élaboration et de mise en œuvre de plan d’actions en faveur de l’amélioration de la transparence budgétaire a été enrichie au cours de l’année 2018 par une expérience originale. Celle de la mise en place d’un plan d’actions bâti à partir des défis identifiés par le Bénin et la Guinée-Conakry, dans le cadre du programme de jumelage initié à leur profit par CABRI.
D’importantes activités novatrices découlent de la mise en œuvre effective du plan. Il s’agit, entre autres :
- de la réalisation, la publication et la distribution aux organisations de la société civile de plaquettes sur la chaîne d’élaboration du budget de l’État (mise en relief des dix principales étapes sur les 15 dédiées à la participation du public) ;
- de l’organisation d’un atelier de renforcement de capacités des membres de plus de vingt (20) organisations de la société civile ;
- de la réalisation, la traduction et la publication en plusieurs langues nationales des vidéos sur le projet de budget de l’État et le budget adopté ;
- du renforcement de l’accès aux informations sur l’exécution de la loi de finances (production systématique et vulgarisation des versions citoyennes sur les différents rapports : rapports en cours d’année, rapport de milieu d’année et rapport de fin d’année) ;
- de la mise en place d’une plateforme collaborative avec les acteurs des ministères exécutant les dépenses sociales prioritaires, assortie de plan d’actions sectoriels pour la participation citoyenne ; et,
- de la réalisation et la publication de la bande dessinée sur le budget de l’État, gestion 2019.
En marge des activités inscrites au plan de jumelage, plusieurs autres réformes sont réalisées telles que :
- l’organisation en amont, à chaque processus budgétaire, d’un atelier de dissémination du calendrier budgétaire auquel participent les partenaires sociaux, les acteurs de la société civile et les organes de presse ;
- l’organisation d’une matinée d’échanges avec les OSC ;
- la participation de la société civile aux revues périodiques sectorielles ;
- l’invitation de la société civile au Débat d’orientation budgétaire à l’Assemblée nationale ;
- l’organisation, chaque année, des conférences budgétaires communales pour recueillir les besoins réels des populations à la base, afin de les insérer dans le projet de loi de finances ;
- la présentation tous les ans du projet de loi de finances au secteur privé, aux confédérations et centrales syndicales , aux partenaires techniques et financiers et au Conseil économique et social pour appréhender les politiques économiques et sociales avant son adoption par les députés à l’Assemblée nationale ; et,
- l’audition des structures syndicales, de la société civile, du secteur privé et de l’Association nationale des communes du Bénin à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances.
Grâce au jumelage Bénin-Guinée, qui s’ajoutent aux réformes courageuses et -novatrices, le citoyen béninois est très bien impliqué dans la prise de décision et la reddition régulière des comptes. Les faits traduisent donc la réalité de l’implication de la société civile dans le cycle budgétaire depuis la phase de planification, d’élaboration, d’exécution du budget jusq’à son contrôle.
À l’avenir, plusieurs autres réformes sont envisagées pour la poursuite de l’amélioration de la participation du public au processus budgétaire. Parmi elles, figurent :
- l’ouverture du chantier d’alphabétisation budgétaire au profit des apprenants des écoles primaires, secondaires et des universités ;
- la poursuite de la sensibilisation aux informations budgétaires par l’institution d’un cadre formel d’échanges avec les cellules de participation citoyenne et le renforcement du dialogue entre l’État et les collectivités locales pour une budgétisation en faveur du développement local ;
- la poursuite du renforcement des capacités des acteurs non étatiques et des élus locaux (formation des OSC et des élus locaux sur le budget ouvert ;
- la signature d’un partenariat avec la Maison de la société civile pour une large diffusion de l’information budgétaire et financière ; et,
- l’amélioration contenue de la transparence budgétaire par la production et la publication des huit rapports clés.