Le programme « Budgétisation inclusive et financement de la lutte contre le changement climatique en Afrique (BIFCCA) adopte une approche exclusivement globale, pour promouvoir des liens plus étroits entre la politique en matière de changement climatique et les budgets publics, qui implique les gouvernements, les institutions formelles de surveillance et un éventail d'acteurs non étatiques, dans chaque pays et dans toute la région. Cette approche intégrée multi-parties prenantes s'est exprimée lors d'une séance sur l’obligation de rendre des comptes au public lors du premier échange régional BIFCCA entre pairs, en février 2021.
L’accent mis par BIFCCA sur le renforcement de la gestion et de la responsabilisation des finances publiques liées au climat, reconnaît que l’urgence climatique, en menaçant les systèmes naturels dont dépendent nos vies, nos sociétés et nos économies, est à la fois une question environnementale, économique et de développement.
En outre, cette situation représente aussi une question d'équité. Si vous êtes une personne démunie, une femme, ou une personne autrement marginalisée, vous risquez de perdre vos biens déjà limités, vos moyens de subsistance, et, éventuellement votre vie, en raison des impacts du changement climatique. Le fait de ne pas aborder ce risque disproportionné alors que nous nous attaquons à la crise climatique menace de compromettre les efforts de développement des pays et d'aggraver la pauvreté et les inégalités existantes dans la région.
Dans un avenir prévisible, la réponse au changement climatique sera l'un des plus grands défis à relever en matière de finances publiques. Les gouvernements nationaux et infranationaux jouent un rôle important à la fois dans l'atténuation des causes du changement climatique et dans l'adaptation à ses impacts. Une partie de cette réponse se fera par le biais de règlements et d'autres politiques, mais se fera principalement en ayant recours aux systèmes nationaux de finances publiques, soit par la mise en place de politiques fiscales, comme les taxes carbone, qui influencent indirectement le comportement des investisseurs et des particuliers, soit par l’exécution de dépenses directes d'infrastructures, de programmes et de services.
Afin de gérer efficacement les fonds considérables nécessaires à leur riposte climatique, les pays doivent établir et maintenir des systèmes et des pratiques formels solides de responsabilité en matière de finances publiques. Par ailleurs, de plus en plus de données probantes indiquent qu'une gouvernance efficace et responsable du financement climatique est plus susceptible de se produire lorsque des systèmes formels solides sont intégrés dans les « écosystèmes de redevabilité ». Un écosystème de redevabilité dynamique est un écosystème dans lequel un éventail d'acteurs civiques (c.-à-d. des organisations de la société civile (OSC), des groupes de réflexion sur les politiques, des défenseurs sectoriels, des organisations communautaires, etc.) coopèrent et font participer d'autres acteurs étatiques et non étatiques au sujet de l'utilisation des ressources financières liées au climat.
Nous savons que les OSC et d'autres organismes en dehors du gouvernement ont un rôle essentiel à jouer, de sorte que le programme BIFCCA appuie une vision plus large de la surveillance et l’obligation de rendre compte, dans laquelle les gouvernements, les institutions de surveillance, les acteurs civiques et les citoyens se concentrent sur l'amélioration des politiques, de l'exécution et, en fin de compte, des résultats. Dans un tel modèle, les OSC et d'autres acteurs civiques peuvent :
- Fournir des informations sur les besoins de la population et des collectivités et formuler des recommandations fondées sur des données probantes pour améliorer l'utilisation des fonds ;
- Être des alliés des gouvernements et des institutions de surveillance qui peuvent les relier à ce qui se passe sur le terrain et fournir un soutien analytique ;
- Effectuer le suivi de la mise en œuvre des politiques, des programmes et des projets et renseigner sur ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas dans le processus de politique et de responsabilisation ; et,
- Sensibiliser les communautés et d’autres organisations à participer à la planification, à la mise en œuvre et à la surveillance, et renforcer leurs capacités dans ces domaines.
La séance sur l’obligation de rendre compte au cours de l’événement d’échange BIFCCA réunissait un groupe d'experts qui a parlé du potentiel qu’une implication plus générale et profonde de la société civile et du gouvernement pouvaient avoir pour assurer l’efficacité de la gestion des finances publiques pour les mesures d'atténuation et d'adaptation.
Tout d'abord, en apportant des enseignements tirés d’expériences asiatiques, Tanjir Hossein, responsable « Résilience au changement climatique et justice climatique » chez ActionAid Bangladesh (AAB), a parlé des efforts de la société civile pour éclairer les débats sur le budget climatique et travailler avec le gouvernement sur une réponse efficace au changement climatique. Depuis 2009, l'AAB, le Centre international sur les changements climatiques et le développement, ainsi que le Mouvement du budget des citoyens — une large coalition d'organisations de la société civile — ont participé aux processus de planification du changement climatique, ont répondu aux budgets proposés sur le changement climatique au niveau national et ont commencé à effectuer le suivi des dépenses liées au climat dans les communautés à risque.
George Osei-Bimpeh, Directeur-pays de SEND-Ghana a suivi, en donnant dans sa présentation des exemples de la façon dont SEND s’est associé à Oxfam International dans le cadre d'une initiative de budgétisation sensible au genre qui pourrait guider les efforts d’élaboration d’approches du financement de la lutte contre le changement climatique adapté au genre. Outre son engagement auprès du gouvernement sur les politiques budgétaires qui impactent les femmes, les petits exploitants agricoles et les objectifs de développement durable, SEND a également travaillé avec l'institution supérieure de contrôle des finances publiques (ISC) du Ghana pour accentuer les constatations d’audit et plaider en faveur de ripostes gouvernementales efficaces. M. Osei-Bimpeh a fait la déclaration suivante : « SEND-Ghana possède une vaste expérience dans l’établissement de liens entre les personnes/communautés et les processus d'élaboration des politiques budgétaires et de redevabilité, afin de veiller à ce que les ressources publiques soient utilisées pour répondre aux priorités publiques, aussi nous réjouissons-nous à la perspective de participer avec le gouvernement et d'autres parties prenantes à la question cruciale du financement du changement climatique ».
Pour clore la discussion, Ronald Mugobera, assistant de programme du Civil Society Budget Advocacy Group (CSBAG) en Ouganda, a donné aux participants une vue d’ensemble des activités de cette coalition de 100 organisations de la société civile, qui vise à renforcer la participation du public à la budgétisation. Le CSBAG entretient une relation formelle avec le ministère des Finances, de la Planification et du Développement économique, afin d'améliorer l’implication des citoyens dans la budgétisation, de suivre l'exécution du budget et de contribuer à la surveillance. Il s’associe également au Bureau de l’Auditeur général pour assurer le suivi des constatations d’audit et présenter au Parlement et au gouvernement des analyses budgétaires et d'autres projets de budget. M. Mugobera a expliqué que le CSBAG avait déjà pris quelques premières mesures pour analyser comment le gouvernement ougandais réagissait à l’urgence climatique et à ses impacts sur la population et les secteurs, ce qui lui avait permis d'approfondir sa participation à la planification et aux finances publiques liées au climat.
Ces brefs résumés ne font qu'effleurer l’ampleur du travail de ces organisations et les différentes manières dont les organisations de la société civile peuvent aider à rapprocher les citoyens des budgets et contribuer aux efforts gouvernementaux de recours au système de finances publiques pour appuyer les progrès réalisés vers les objectifs ultimes de BIFCCA, à savoir :
- réduire les impacts négatifs du changement climatique, en particulier pour les femmes ; et,
- aider à identifier et à promouvoir les possibilités de croissance à faibles émissions de carbone.
Le programme BIFCCA poursuivra un dialogue régional inclusif et responsable sur les finances publiques liées au climat lors d'un échange entre pairs qui mettra l’accent sur ce sujet en août 2021. Cet échange sera guidé par des évaluations de l’ensemble du financement de l’action climatique au Ghana et en Ouganda que SEND-Ghana et CSBAG mènent actuellement.