Une approche de la déviance positive à la réforme GFP
La déviance positive (DP) survient lorsque des individus ou un groupe d’individus trouvent des manières uniques d’analyser et de résoudre des problèmes complexes, malgré le fait qu’ils disposent de ressources similaires à celles de leurs pairs. Une approche de DP vise à élaborer un plan pour promouvoir l’adoption de ces comportements et stratégies fructueux. L’application la plus remarquable de ce concept a été démontrée par Monique et Jerry Sternin dans les années 1990 dans le cadre de leurs travaux pour réduire la malnutrition dans plusieurs villages du Viêtnam[1]. Depuis, cette approche a été utilisée dans plusieurs domaines, du VIH/sida à la réforme foncière et offrira, espérons-le, d’autres solutions viables que les meilleures pratiques en matière de réformes de la GFP.
Nous sommes convaincus qu’apprendre et appliquer la DP est une solution particulièrement pertinente pour résoudre les problèmes de GFP – des problèmes intégrés à un système social complexe, nécessitant des changements de comportement, et qui persistent souvent malgré des tentatives répétées de forcer des solutions à des problèmes mal compris. Guidé par son désir de mieux comprendre « ce qui fonctionne, quand et pourquoi », CABRI lance l’utilisation de l’approche DP dans le cadre de ses efforts pour améliorer la fonctionnalité des systèmes de GFP. À cet effet, nous lançons la série intitulée « Cas de déviance positive dans la gestion des finances publiques », en commençant par une étude sur les Comités budgétaires sectoriels en Gambie.
L’évaluation de l’efficacité des comités budgétaires a été lancée par une équipe du ministère gambien des Finances et des Affaires économiques (MdFAE) qui a participé en 2017 au programme de CABRI Renforcer les compétences en GFP. Cette nouvelle évaluation du rôle des comités budgétaires a été réalisée quand un lien a été découvert entre le bon ou le mauvais fonctionnement des comités et le problème de virements et d’arriérés élevés. L’étude porte sur le fonctionnement des comités budgétaires dans quatre ministères, départements et agences (MDA) en Gambie, mettant en exergue des données probantes sur la fonctionnalité plus élevée du ministère de l’Enseignement primaire et secondaire (MdEPS), et, suggère les différents processus et structures qui expliquent l’écart.
Diffuser les innovations locales dans la pratique
CABRI et le MdFAE ont organisé un atelier le 31 octobre 2018 à Banjul auquel ont participé des hauts fonctionnaires de 25 MDA, afin de présenter les conclusions de l’étude DP, de faciliter un échange sur les enseignements qui peuvent en être tirés et d’encourager susciter l’apparition de nouvelles idées pour améliorer la fonctionnalité des comités budgétaires.
L’atelier a été en grande partie dirigé par des fonctionnaires du MdFAE qui ont fait des présentations sur le rôle et l’importance des comités budgétaires dans le processus budgétaire et sur les normes de comportement qui prévalent au sein des MDA. La présentation de CABRI des conclusions de l’étude était accompagnée de commentaires critiques sur le « comment » et le « pourquoi » d’un ancien secrétaire général du MdEPS, M. Mohammed Jallow, dont les propos semblaient indiquer que l’émergence de l’innovation doit provenir du ministère même.
Même si la réglementation financière a prescrit l’instauration et l’objectif des comités budgétaires, seuls quelques MDA possèdent des comités qui fonctionnent. Lors de l’atelier de Banjul, les MDA ont décrit les défis liés à l’établissement de comités budgétaires qui fonctionnent, notamment la fourniture insuffisante d’affectations de trésorerie, les problèmes de coordination associés au nombre croissant de ministères décentralisés et les capacités limitées au sein du comité budgétaire. Par contraste avec le MdEPS qui fait face à des défis analogues, son comité budgétaire qui fonctionne, était habitué à atténuer ces difficultés, et ce, par le biais d’une gestion active du budget avec la tenue de réunions mensuelles, de la clarté des rôles et responsabilités et de la génération d’une culture de redevabilité et de dialogue.
Grâce à un comité budgétaire qui fonctionne, le MdEPS est capable de renforcer le lien entre les plans de dépenses et les priorités sectorielles, ce qui est mis en évidence par la façon dont il révise les priorités de dépenses au cours de l’exécution. Par exemple, contrairement à beaucoup de MDA, le MdEPS transfère beaucoup moins d’allocations pour augmenter le budget des déplacements internationaux – dans certains cas, le MdEPS a même réaffecté des fonds provenant des frais de déplacements pour couvrir des dépenses prioritaires.
Prochaines étapes et remarques finales
Grâce aux discussions de groupe animées lors de l’atelier de Banjul et sur la base des contributions apportées par le MdEPS, chaque MDA a conçu un plan d’action détaillant les mesures qu’il devait prendre au cours des deux semaines, deux mois et six mois à venir et qui incluaient :
- de sensibiliser aux avantages d’un comité budgétaire qui fonctionne au niveau de la haute direction ;
- d’entreprendre une visite d’étude au MdEPS et de partager les leçons retenues de cette expérience ;
- de rédiger des termes de référence et des principes directeurs pour son comité budgétaire ; et,
- de veiller à ce que le comité budgétaire se réunisse au sujet de l’élaboration d’un plan de trésorerie pour le prochain exercice budgétaire.
Les MDA ayant participé à l’atelier ont manifesté leur intérêt à supprimer l’approche descendante de la budgétisation et de la prise de décisions unilatérales pendant l’exécution du budget, pour la remplacer par une approche davantage participative et consultative.
Le passage de la forme (la simple instauration d’un comité budgétaire) à la fonction (la participation active du comité budgétaire à toutes les étapes du processus budgétaire pour faciliter l’affectation efficace des ressources à la réalisation des objectifs de politique sectorielle) est un défi qui s’impose constamment aux réformes de la GFP en Afrique. La légitimité du comité budgétaire en tant qu’outil efficace de gestion budgétaire doit découler de la réalisation par les MDA des avantages potentiels pouvant être obtenus, et non pas seulement de son mandat légal. Elle sera capitale pour maintenir l’engagement des MDA en faveur des mesures identifiées pendant l’atelier et leur volonté d’assurer des tâches supplémentaires. Ces efforts doivent être appuyés dans la durée par les fonctionnaires locaux qui sont là pour rester.