Thierry Lobaka est un expert macro-budgétaire à la Direction Générale du Budget en République Centrafricaine. Il fait partie de l’équipe Centrafricaine qui a participé à l’édition 2018 du programme « Renforcer les Compétences en GFP » en Afrique.
Depuis le rétablissement de l’ordre constitutionnel en 2016, la République centrafricaine (RCA) s’est inscrite dans une dynamique de reconstruction de son économie tous azimuts, avec en particulier la mise en œuvre de plusieurs chantiers de réformes économiques et financières. En effet, à l’instar de beaucoup de pays africains, la RCA est soumise à des problèmes urgents de gestion de finances publiques sur lesquels elle s’attelle en vue d’y trouver des solutions idoines et durables pour mieux lutter contre la pauvreté et assurer le bien-être sa population.
L’analyse de l’exécution du budget de l’État au cours des cinq dernières années fait ressortir une faiblesse structurelle majeure s’agissant de l’exécution des dépenses d’investissement sur ressources propres. Pour un pays qui a connu plusieurs crises militaro-politiques, avec la plupart de ses infrastructures de base (routes, hôpitaux, établissements scolaires etc.) entièrement détruites, cette situation est inadmissible. C’est ainsi que, sous l’impulsion des nouvelles autorités, le pays s’est inscrit dans une dynamique de relèvement et de reconstruction. Cependant, force est de constater que le peu de ressources propres que l’État alloue aux dépenses d’investissements n’est que faiblement consommé par les ministères, départements et agences (MDA). A titre d’exemple, les ressources allouées aux investissements dans les secteurs de la santé et du développement rural n’ont été exécutées qu’à hauteur de 2% et 6% en 2017.
Quand notre équipe, les Fauves de Bas-Oubangui, a décidé de travailler à la résolution du problème de la sous exécution des dépenses d’investissement sur fonds propre, elle n’en imaginait pas la complexité. Le programme Renforcer les Compétences en GFP (RCGFP) de CABRI- à travers les cours en ligne, les travaux individuels et d’équipe et le coaching - nous a donné les outils pour déconstruire le problème en vue de sa résolution. De nombreuses consultations ont été faites auprès des ministères sectoriels et des agents de la chaine des dépenses d’investissement, pour identifier les causes profondes de ce problème avec, à la clef, une réelle collecte de données. Ces dernières ont mis en exergue les racines multiformes du problème et ont largement enrichi notre appréciation initiale des causes du problème. Par exemple, nous avons appris que la Direction Générale des Marchés Publics (DGMP) et les MDA ne communiquaient pas autant que nécessaire, que les administrateurs de crédit n’avaient ni les qualifications ni la longévité nécessaires pour assurer l’exécution de leurs budgets d’investissement ou encore que l’absence d’études de faisabilité était la première cause de rejet des dossiers de passation de marché.
Ces nouvelles informations nous ont permis d’identifier des points d’entrée prometteurs sur lesquels nous avons focalisé notre travail, en nous assurant que nous avions l’autorité, l’aptitude et l’acceptation requises : (1) les procédures de passation de marché ne sont pas maitrisées, (2) la relation entre le ministère des finances et les MDA souffre d’un déficit de communication, (3) les MDA ne sont pas redevables de l’exécution de leurs budgets d’investissements et (4) les MDAs ne font pas d’étude de faisabilité. La réalité du problème et la motivation de notre équipe ont permis à notre travail d’être pleinement accepté par les MDA.
Dans ce travail de titan, l’équipe des Fauves de Bas Oubangui est restée soudée et l’esprit d’équipe a toujours prévalu pour mettre fin aux tensions occasionnelles lors de nos nombreuses séances de travail. Chacun des membres avait à l’esprit que nous avons un objectif tangible à atteindre. Nous avons une obligation de résultats et le Ministre des Finances et du Budget, notre autorisant, s’intéresse de près à notre travail à travers l’Inspecteur Général des Finances qu’il a chargé de suivre régulièrement nos activités de lui rendre compte. À cela, il faut ajouter le coaching de CABRI qui nous envoie chaque fois des ondes positives pour nous pousser à faire mieux.
Les progrès réalisés entre Mai et Décembre 2018 nous ont encouragé à aller de l’avant et nous ont permis de comprendre qu’avec des compétences locales, on peut arriver à trouver des solutions durables à de nombreux problèmes locaux. C’est en cela que l’approche PDIA se démarque, de façon originale, des autres approches et nous amène à prendre des actions réelles qui valorisent nos propres compétences. Il peut être improductif d’importer des solutions prédéterminées et les imposer sans prendre en compte le contexte du pays.
Les premiers résultats de notre travail sont encourageants, l’ensemble des 33 MDA ont, pour la première fois, soumis leurs plans de passation de marché et continuent d’identifier des solutions pour exécuter leurs budgets d’investissement. Néanmoins beaucoup reste à faire. Pour l’année 2019, nous visons un taux d’exécution des dépenses d’investissement sur ressources propres d’au moins 50%. Avec l’élargissement de notre équipe par d’autres experts de la DGMP, nous pensons y arriver grâce au travail continu avec les MDAs et l’autorisation de notre Ministre de tutelle.
Je reste convaincu que nous allons relever ce défi. L’approche PDIA m’a permis de mettre en valeur l’expertise et les compétences qui résident en moi au profit de mon pays. Désormais, je ressentirai de la fierté chaque fois que je verrai une infrastructure reconstruite ou réhabilitée sur les ressources propres de l’Etat. Je prie pour que cette approche devienne la norme en matière de gestion des finances publiques dans nos pays.