Makubutu Rakubutu, est gestionnaire de la dette au Service de gestion de la dette du ministère des Finances du Lesotho. Elle faisait partie de l’équipe lesothane qui a participé au programme Renforcer les compétences en GFP de CABRI en 2018.
En tant que gestionnaire de la dette, la faiblesse intrinsèque de la gestion de trésorerie de mon pays m’a toujours préoccupée. Suite à la crise financière mondiale de 2007-2008, ce problème s’est intensifié jusqu’à devenir un sérieux défi de liquidités au Lesotho. La plus importante source de recettes du gouvernement, à savoir les recettes de la SACU, a diminué considérablement. La situation macroéconomique s’est détériorée, les ressources sont fortement limitées et des déficits élevés persistent. Le gouvernement fait face à des pénuries de liquidités, et, en l’absence d’une bonne gestion de trésorerie, le ministère des Finances (MdF) a du mal à exécuter le budget. Cette situation est aggravée par le fait que le budget prévisionnel n’est fondé que sur les prévisions des recettes plutôt que sur des données réelles, qui ont au fil des ans, connu une tendance à la baisse.
Notre équipe a décidé d’aborder les problèmes de liquidités résultant de la mauvaise gestion de trésorerie qui est devenue une priorité absolue (et, probablement la question la plus débattue) du ministère des Finances. Lors de l’atelier de cadrage du programme Renforcer les compétences en GFP, nous avons appris que la formulation initiale de notre problème n’abordait pas les questions que nous souhaitions traiter, si bien que nous avons reconstruit le problème, puis déterminé ses causes principales et secondaires. Cette démarche nous a fourni des indications sur la meilleure manière de comprendre et d’aborder le problème ainsi que de concevoir les réformes les plus appropriées. L’équipe a appris comment déconstruire un problème, une nouvelle compétence dont je me sers à présent, même lorsque je m’acquitte des tâches administratives quotidiennes.
Le problème auquel nous nous attaquons est le suivant : « Le ministère des Finances n’a aucune idée de combien les ministères, départements, agences (MDA) ont besoin ou ne sait pas quand les fonds sont requis ». Les causes que nous avons identifiées comprennent : (i) le manque de suivi et d’évaluation effectués par le MdF, (ii) des données non fiables et incomplètes, (iii) la communication inadéquate entre les parties prenantes concernées, et, (iv) la mauvaise planification des dépenses. Identifier les causes secondaires de ces causes permet de limiter les questions à celles qui exigeaient une attention immédiate et pour lesquelles nous avions obtenu autorité, acceptation et aptitude, c'est-à-dire les points d’entrée.
Étant donné que les membres de notre équipe travaillent dans différents services du ministère des Finances (Trésor, Budget et Dette), nous avons choisi des actions pour lesquelles nous possédons les capacités et les compétences et pour lesquelles nous pouvions facilement mobiliser d’autres acteurs selon les besoins. Le plan d’action avait été conçu de manière à ce que les membres de l’équipe soient responsables de causes étroitement liées à leur domaine de travail. Ensuite, nous nous réunissions au moins une fois par semaine pour faire le point, consolider et adapter les plans selon les besoins. L’association de membres issus de différents services nous a permis de nous instruire mutuellement et d’appréhender le problème sous des angles différents.
Malgré quelques défis, l’équipe a bien progressé. Nous avons créé une base de données pour tous les comptes bancaires publics et fermé les comptes inactifs. Pour la première fois depuis de nombreuses années, une part plus importante de comptes publics a été rapprochée (bien qu’il y ait encore beaucoup de travail à faire pour parvenir à un rapprochement total). La présentation de rapports, qui est désormais une priorité absolue du Trésor, s’est beaucoup améliorée, ce qui est largement dû à notre équipe.
Les consultations ont montré que le manque de communication entre le ministère des Finances et les MDA ainsi qu’au sein des MDA, a joué un rôle majeur dans la non-préparation des plans de dépenses. Nous avons sélectionné sept MDA du secteur public sur 33, en tant qu’agences pilotes de l’amélioration des plans de dépenses. Notre principal objectif était que le Service du Budget reçoive ponctuellement des plans de dépenses trimestriels et que la qualité soumise soit raisonnable. Désormais, les MDA pilotes soumettent des plans de bonne qualité dans les délais impartis.
Au départ, l’équipe estimait que le Comité de gestion des liquidités (CGL) ne disposait pas d’un comité technique pour le soutenir, aussi avions-nous prévu de renforcer le CGL en formant un comité technique. Cependant, à notre retour de l’atelier de cadrage, nous avons appris que ces deux comités existaient, mais que leurs termes de référence (TdR) n’avaient pas encore été formalisés. Nous avons insisté pour que le Secrétaire général (SG) signe les TdR afin que ces comités puissent formellement siéger et que l’équipe puisse contrôler qu’ils se réunissent aussi régulièrement que nécessaire. Le Comité de gestion des liquidités siège à présent toutes les deux semaines alors que le comité technique tient séance tous les jeudis.
Il y a encore beaucoup à faire pour résoudre les problèmes de trésorerie et de liquidités au Lesotho. Autrement dit, notre équipe continuera à travailler sur le problème même au-delà du programme Renforcer les compétences en GFP 2018. Entre autres, le plus urgent est d’impliquer les autorisants d’autres MDA qui contribuent fortement au problème. Nous espérons qu’ils nommeront des fonctionnaires compétents de leur ministère respectif, et que ces derniers travailleront avec nous à long terme.
Le succès de notre équipe est dû à plusieurs facteurs contributifs, notamment l’engagement des membres de l’équipe, qui, malgré leur lourde charge de travail et leur calendrier d’exécution serré, ont pris le temps de s’attaquer au problème ; ce qui signifiait parfois de travailler au cours du week-end. L’outil PDIA a joué un rôle majeur dans le suivi de notre progression vers les objectifs que nous souhaitions atteindre. Une autre contribution importante a été apportée par nos collègues, en particulier les autorisants, les directeurs de nos services ainsi que d’autres fonctionnaires du MdF et des MDA, qui ont collaboré avec nous, chaque fois que le besoin s’en faisait ressentir.
En 2019, nous continuerons à relever les défis liés à la planification et à la gestion de trésorerie au Lesotho, en collaborant étroitement avec des représentants du MdF et des MDA. Nous avons l’intention de faire entrer d’autres membres dans l’équipe et, avec le soutien de CABRI, d’encourager ces derniers à utiliser l’approche PDIA pour mieux comprendre le problème de liquidités au Lesotho et y remédier.