Titus K. Tikwa est administrateur principal chargé de la conformité et du suivi à la Commission de la passation des marchés publics et des concessions au Libéria. Il faisait partie de l’équipe libérienne qui a participé au programme Renforcer les compétences en GFP de CABRI en 2018.
S’attaquer à un problème qui implique de multiples parties prenantes n’est jamais aisé. Je m’en suis rendu compte lorsque mon équipe (Les innovateurs) a été chargée de trouver des solutions au problème de « L’affectation limitée de fonds aux projets d’investissement du secteur public et la sous-utilisation des fonds affectés s’y rapportant », au cours du Programme Renforcer les compétences en GFP (RCGFP) de CABRI en 2018.
Tout d’abord, nous avons effectué une analyse des tendances qui couvrent les 5 derniers exercices budgétaires, afin de clarifier l’ampleur du problème. Notre analyse a révélé qu’en moyenne, la part ordinaire de notre budget national atteint le chiffre stupéfiant de 85,8 %, tandis que les projets d’investissement du secteur public (PISP) ne se cantonnent qu’à une modeste part de 14,2 % ; c’est-à-dire une culture de dotation qui n’exprime aucunement une aspiration au développement réel. Notez que cette culture de dotation est notamment responsable aujourd’hui du système de soins de santé déficient du pays ainsi que de son système d’éducation insuffisant et de son déficit énorme d’infrastructures.
Pour s’employer à résoudre le problème susmentionné, j’ai eu le privilège avec 5 collègues du ministère des Finances et de la Planification du Développement (MFPD) de participer au programme RCGFP de CABRI, pour acquérir des compétences ayant trait à l’utilisation et à l’application de l’approche de l’adaptation itérative pour la résolution de problèmes (PDIA) afin de résoudre des problèmes de GFP énoncés au niveau local.
À l’issue de son exposition à l’approche PDIA ; de l’examen et de la déconstruction des causes profondes des problèmes et de l’identification des points d’entrée (points d’interventions possibles) au cours de l’atelier de cadrage à Pretoria, en Afrique du Sud, l’équipe est rentrée puis a entrepris un parcours axé sur l’examen, l’itération, l’adaptation et l’apprentissage sur la manière d’aborder les trois points d’entrée identifiés lors de l’atelier de cadrage, à savoir le manque d’incitations à développer des projets ; la faiblesse des capacités techniques existantes pour élaborer des projets ; et, la déficience du système de passation des marchés.
Nous avons commencé notre travail en mettant au point un plan d’engagement des parties prenantes pour guider nos activités au cours des sept prochains mois ; en reconnaissant que l’adhésion des parties prenantes et leur acceptation sont des éléments indispensables à la mobilisation des personnes autour du problème. Dans le cadre de cet engagement, nous avons rassemblé des connaissances déterminantes sur le problème, en procédant à une évaluation de la fonctionnalité des comités budgétaires (CB) au sein des entités dépensières (ED), en examinant 15 des plus importantes ED chargées de la mise en œuvre de PISP. Suite à cet examen, nous avons pu établir que, même si 93 % des ED disposaient de CB, seuls 29 % d’entre eux étaient fonctionnels. Ce constat s’explique par le fait que 71 % des CB travaillaient de manière saisonnière, surtout au cours de la phase de formulation du budget et que les nombreux aspects de l’exécution et de la présentation des rapports obtenaient de moins bons résultats. Notre travail avec les CB sera donc crucial pour s’attaquer aux causes profondes de notre problème lié à la planification des projets.
Les autres engagements de l’équipe comprenaient une séance avec les analystes du budget du MFPD pour obtenir leurs points de vue sur les causes profondes possibles du problème, ce qui nous a permis non seulement d’acquérir de nouvelles connaissances, mais aussi de continuer à créer un consensus sur un problème qui requiert de placer les analystes du budget au premier rang. Ces discussions ont révélé que le MFPD ne communique pas avec les MAC aussi fréquemment qu’il le devrait sur le résultat de l’exécution du budget et sur ses implications pour l’affectation de crédits aux MAC. De même, une rencontre avec l’Unité d’exécution de projets (UEP) a révélé que les délais impartis pour l’identification et la sélection des projets étaient insuffisants pour que les groupes de travail sectoriels (GTS) puissent identifier convenablement les projets à impact élevé.
En dehors du MFPD, la réunion avec le bureau législatif du budget (LBO) s’est avérée déterminante pour mieux comprendre le processus d’affectation sur lequel repose la répartition des ressources entre le budget ordinaire et le budget PISP. Le non-recours des assemblées législatives aux conseils techniques et aux preuves empiriques pour affecter les ressources, le caractère hautement politique du processus et l’absence d’échanges d’informations entre l’exécutif et le législatif, ont été soulignés comme des goulots d’étranglement. Toutefois, peut-être que l’un des engagements les plus constructifs, a été la collaboration que nous avons pu promouvoir entre le MFPD et la Commission de la passation des marchés publics et des concessions (PPCC). Et c’est justement là, que la présence dans l’équipe d’un fonctionnaire comme moi, qui n’est pas du MFPD, s’est avérée utile pour assurer la médiation des échanges avec les partenaires extérieurs.
Forts d’une meilleure compréhension du problème, nous avons été en mesure d’organiser un atelier pour les principaux membres des CB étudiés, afin de les exposer aux fonctions et aux responsabilités d’un CB, de favoriser un dialogue sur leurs difficultés et points faibles et sur la marche à suivre. Nous avons également organisé une séance technique avec les analystes de budget afin de discuter des nouveaux termes de référence (TdR) pour leur travail avec les CB pour aborder les questions autour des niveaux différenciés de soutien aux MAC. Cette démarche s’est avérée importante pour rendre le travail aux personnes responsables.
Par ailleurs, un atelier conjoint sur la passation des marchés et le budget destiné aux MAC nous a permis de renforcer les exigences en matière de conformité à la loi sur la passation des marchés publics et les concessions (PPCA) et au budget. Cet engagement, outre quelques modifications de procédure apportées à la commission PPCC, telles que la création d’un service d’assistance dédié et la mise en œuvre d’un délai de traitement des activités liées aux PISP, nous a permis de faire des progrès à l’égard des aspects du problème de la passation des marchés.
Les engagements de l’équipe, la mise en œuvre de nouvelles procédures et de nouveaux outils pour consolider le processus de formulation et d’exécution du budget, nous ont permis de faire des progrès significatifs vers la résolution de notre problème. Nous avons été en mesure de donner un second souffle aux CB des MAC, en les rendant plus fonctionnels et opérationnels et nous avons procuré aux analystes du budget les outils nécessaires pour fournir les conseils techniques et le soutien requis. Nous avons aussi été en mesure de veiller à ce qu’un taux d’exécution de 25 % des activités de passation des marchés PISP soit réalisé contre 12 % au cours de l’exercice budgétaire 2017/18 (EB).
Malgré les progrès signalés dans cet article, il reste encore beaucoup à faire. Nous nous réjouissons à la perspective de travailler davantage avec les assemblées législatives par l’intermédiaire de la Commission des voies et moyens. L’une des principales leçons retenues, c’est que que les réformes qui nécessitent l’adhésion des politiciens sont beaucoup plus difficiles à résoudre que celles qui ne requièrent que l’adhésion des techniciens.
Dans l’ensemble, mon parcours PDIA s’est révélé payant, car pour la première fois, j’ai pu travailler avec des collègues d’un autre ministère pendant une longue période. Cela m’a permis de mieux comprendre la formulation, l’exécution et le reporting du budget.
En ce qui concerne l’outil PDIA, j’apprécie le fait que cette approche novatrice, révolutionne la manière dont les problèmes de GFP sont abordés, à la différence de l’approche traditionnelle fondée sur les meilleures pratiques clés en main. Fait essentiel, en raison du RCGFP, j’ai réalisé que la réforme est un processus complexe qui exige beaucoup d’adaptation par le biais des engagements des parties prenantes. Pour ma part, j’ai été motivé par le fait qu’une chance nous a été donnée à nous, consultants locaux, de résoudre un problème de GFP plutôt qu’à nos homologues extérieurs.
Enfin, je dois ajouter que je me sers actuellement du diagramme en arêtes de poisson dans le cadre d’un cours d’études supérieures que j’enseigne.