https://www.cabri-sbo.org/fr/o...Des évaluations d’impact récentes des formes traditionnelles d’assistance en matière de GFP ont révélé que des progrès ont été plus souvent observés dans les changements apportés aux lois ou pratiques de GFP, plutôt qu’une amélioration réelle des résultats de la GFP. Par exemple, de nombreux pays ont mis en place des cadres de dépenses à moyen terme qui n’ont pas amélioré la crédibilité du budget ni permis un meilleur alignement entre les budgets et les plans. En réponse à ces défis, un groupe d’universitaires de la Kennedy School de l’Université Harvard[1], auteurs d’un livre intitulé « Building State Capability: Evidence, Analysis, Action » proposent une approche différente de la réforme institutionnelle, appelée l’adaptation itérative pour la résolution de problèmes ou PDIA.
À l’époque, la communauté internationale avait accueilli la PDIA avec un scepticisme de bon aloi, en partie parce que peu de données probantes existaient pour étayer l’applicabilité générale de cette approche au-delà de sa théorie. Servant de laboratoire expérimental pour l’approche PDIA, CABRI a suivi cette discussion avec beaucoup d’intérêt. Depuis 2017, CABRI a travaillé avec plus de 30 équipes-pays à travers l’Afrique pour mettre en œuvre le programme « Renforcer les compétences en finances publiques » (RCFP).
Une récente évaluation externe commandée par la Fondation Bill & Melinda Gates a constaté un certain soutien en faveur de l’approche PDIA. Trois des six équipes de pays[2] participant au programme 2018 ont réalisé des progrès tangibles vers la résolution de problèmes complexes de finances publiques grâce à la PDIA. Ces résultats sont frappants étant donné que la recherche a été menée en seulement huit mois et a abordé des problèmes complexes dans des pays où les approches traditionnelles n’ont pas réussi à produire leurs effets. Les résultats se comparent également relativement bien aux taux d’échec de 50 à 70 % des projets de réforme de l’assistance technique à plus long terme (Andrews, 2013).
Même dans les trois cas où les progrès n’ont pas été aussi impressionnants, la recherche a fourni des conseils sur les ajustements qui devaient être apportés, renforçant ainsi l’idée que les principes de la PDIA sont valables.
Premièrement, l’identification d’un problème de politique est essentielle pour que les réformes soient reconnues à la fois au niveau politique et administratif. En République centrafricaine (RCA), par exemple, un récit convaincant sur la sous-exécution chronique des projets en capital (d’investissement) a contribué à la mobilisation des décideurs et à la création d’incitations à la réforme. Les réformes axées sur les problèmes ne sont pas forcément nouvelles ou controversées. Cependant, le processus d’identification d’un problème pertinent requiert des efforts, la collecte de (nouvelles) données, le développement de compétences analytiques pour identifier le problème et l’établissement d’un consensus interne entre les parties prenantes et les décideurs. Mais la satisfaction consiste au fait que l’objectif de la réforme est mis désormais sur la résolution d’un problème fonctionnel spécifique (par exemple, la réduction du coût gonflé des biens achetés par le gouvernement), plutôt que sur l’amélioration de procédures qui ne sont pas étroitement liées au problème défini (par exemple, la création d’une loi exigeant la mise en place d’un comité de passation des marchés).
Deuxièmement, des solutions appropriées peuvent émerger d’un processus d’expérimentation, d’itération et d’adaptation. Cela permet à l’équipe de recherche de découvrir les problèmes liés aux incitations et aux capacités sous-jacentes des parties prenantes et d’identifier des solutions possibles. Par exemple, dans le cas de la RCA, l’équipe visait à sensibiliser et à évaluer les insuffisances de capacités au sein des principaux ministères pour mettre en application la règlementation sur la passation des marchés – l’un des principaux problèmes qui retardent la mise en œuvre des budgets d’investissement. Les consultations tenues avec les parties prenantes ont permis également à l’équipe d’identifier les principaux défis liés à la communication entre agences et des solutions possibles ont émergé grâce à des compromis et à la collaboration. Les institutions de développement pourraient envisager des moyens plus souples de mettre en œuvre les réformes, en dépassant les limites des cadres logiques linéaires qui ignorent potentiellement le processus d’adaptation requis pour parvenir à un consensus.
Troisièmement, le renforcement des équipes et des compétences institutionnelles est un élément essentiel de la résolution durable de problèmes complexes. Ces compétences comprennent non seulement des compétences techniques, mais aussi l’aptitude des équipes à faciliter les efforts de coordination entre les institutions gouvernementales, à appliquer des réflexions critiques sur les problèmes complexes auxquels elles sont confrontées et à identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Le soutien aux institutions exige un équilibre prudent entre offrir des conseils techniques et s’assurer de l’appropriation par les équipes des programmes de réforme et de l’amélioration des « capacités d’apprentissage » au sein des institutions.
En conclusion, l’approche PDIA n’apporte pas nécessairement une solution complète aux réformes du secteur public, mais elle pourrait facilement compléter les formes traditionnelles d’assistance en identifiant et en traitant les insuffisances de compétences grâce à un processus dirigé par le pays, qui tienne compte du contexte local. Comme le récent rapport d’évaluation externe l’a indiqué :
Dans chacun de ces trois pays, la résolution du problème de GFP nécessitait l’application d’un éventail de solutions techniques personnalisées, ainsi qu’une attention systématique [...] aux questions sous-jacentes de relations et d’incitations. Il est difficile, voire impossible, de concevoir qu’une telle combinaison de mesures soit efficacement mise en œuvre par une équipe externe : à l’échelon local, un leadership et un engagement importants auraient été au moins essentiels. Il est également difficile de concevoir que ce niveau de progrès soit atteint sans l’adoption d’une approche itérative pour la résolution de problèmes.
[1] Lant Pritchett, Matt Andrews et Michael Woolcock.
[2] Les six études de cas-pays sont : la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Lesotho, le Libéria et le Nigéria.