Au cours des 50 dernières années, on estime que l'Afrique a perdu plus de 1 000 milliards d’USD sous forme de flux financiers illicites (FFI) (Kar et Cartwright-Smith 2010 ; Kar et Leblanc, 2013). Ce montant correspond à peu près à l'ensemble de l'aide publique au développement reçue par l'Afrique au cours de la même période.
Les FFI englobent une myriade d'activités financières qui ébranlent la stabilité économique, encouragent la corruption et ponctionnent les ressources des services publics indispensables. Les complexités qui entourent les FFI ne sont pas seulement financières, mais aussi profondément liées aux économies politiques locales, ce qui rend impératif l’adoption de solutions adaptées aux contextes individuels.
Conscientes de cette réalité, l’Initiative africaine concertée sur la réforme budgétaire (CABRI) et l’Administration fiscale suédoise (STA) lancent, en 2025, un nouveau programme de 4 ans de renforcement des compétences internationales (PRCI) pour lutter contre les FFI. Le programme verra la collaboration d'équipes de différentes administrations publiques pour s'attaquer aux problèmes de FFI identifiés localement en utilisant l'approche de l'adaptation itérative pour la résolution de problèmes (PDIA). La PDIA est une approche par étapes qui permet aux équipes d’établir des coalitions locales en identifiant des solutions localisées qui tiennent compte de leur économie politique et de leur contexte local.
Ce processus itératif permet aux équipes d'identifier des problèmes spécifiques aux FFI qui se rapportent à leur contexte, favorisant ainsi une meilleure compréhension des contraintes (techniques, politiques, administratives) auxquelles elles sont confrontées. L'approche PDIA encourage l'apprentissage et l'adaptation continus, en veillant à ce que les solutions évoluent en fonction des retours d'information en temps réel et des nouvelles dynamiques locales.
L'un des principaux objectifs du programme est également de cultiver des coalitions locales fortes – l'un des aspects clés qui a entravé les initiatives de lutte contre les FFI dans le passé. En unissant différentes entités publiques - telles que les autorités fiscales, les services répressifs et les instances réglementaires - les participants peuvent tirer parti de diverses expertises et perspectives. Ce modèle collaboratif est essentiel pour développer des solutions complètes et consensuelles qui traitent les causes profondes des FFI et améliorent la gouvernance globale. Au fur et à mesure que ces coalitions se formeront, elles travailleront non seulement à des solutions immédiates, mais se concentreront également sur le renforcement des capacités institutionnelles, en veillant à ce que les efforts de lutte contre les FFI soient viables à long terme.
Le PRCI reconnaît que la lutte contre les flux illicites nécessite plus que de simples changements de politique : elle ne se limite pas qu’à des changements de politique mais requiert un engagement collectif en faveur de la réforme. En donnant la priorité au contexte local et aux considérations d'économie politique, les équipes peuvent élaborer des stratégies qui sont non seulement efficaces, mais aussi politiquement réalisables. Cette orientation locale garantit que les solutions sont réalistes et peuvent recueillir le soutien nécessaire des parties prenantes à tous les niveaux.
Cette année, des équipes-pays de l'Afrique du Sud, du Kenya, de la Zambie et du Rwanda participeront à la première cohorte du PRCI. Ces équipes-pays ont suivi un cours intensif en ligne qui fournit des recherches de base sur les défis de la lutte contre les FFI et une formation initiale sur l'approche PDIA. Le cours initial soutient également des réflexions actives sur l'identification et la hiérarchisation des principaux problèmes de FFI que les pays souhaitent prioriser, en s’appuyant sur un processus fondé sur des données probantes et sur une analyse de l'économie politique.
En février, les équipes-pays assisteront à un atelier de cadrage pour commencer à déterminer les causes profondes de ces problèmes de FFI, à identifier les points d'entrée où elles pourraient bénéficier d'un soutien politique et d'une large acceptation du changement et les mesures réalisables à l'avenir.
Le lancement du PRCI marque un moment décisif dans la lutte mondiale contre les FFI. Grâce à la collaboration, à l'innovation et à un engagement en faveur de solutions locales, CABRI et la STA sont prêtes à contribuer de façon importante à l’amélioration de l'intégrité financière et de la gouvernance en Afrique.
Nous nous réjouissons assurément à l’idée de cette collaboration continue.
Pour toute question concernant ce programme, veuillez contacter Joana Bento, Cheffe par intérim de la Division « Finances publiques » à : joana.bento@cabri-sbo.org.