Il est bien connu que le renforcement des capacités et le renforcement institutionnel présentent des complexités supplémentaires dans les États fragiles ou à faible revenu qui se caractérisent par l’instabilité politique et la faiblesse des institutions. En ce qui concerne les institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISC) qui opèrent dans ces contextes, leur fonctionnement se heurte à d’énormes entraves, notamment des contraintes à leur indépendance, des pénuries de personnel et un financement insuffisant. En conséquence, l’exécution, la qualité et les missions d’audit sont entravées, ce qui limite l’impact de l’ISC sur la gestion des finances publiques (GFP) et le bien-être des citoyens.
Afin de soutenir les ISC opérant dans des contextes aussi difficiles, le Partenariat accéléré pour l’appui des pairs (PAP-APP) de l’Initiative de développement de l’INTOSAI (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques) déploie des fonctionnaires des ISC de pays pairs en vue de partager les bonnes pratiques et de fournir des capacités supplémentaires à court terme. Les pays bénéficiaires comprennent l’Érythrée, la Gambie, la Guinée, Madagascar, le Niger, la République démocratique du Congo (RDC), la Sierra Leone, la Somalie, le Soudan du Sud, le Togo et le Zimbabwe.
Reconnaissant l’importance de bien comprendre le contexte local et d’agir dans le cadre des contraintes institutionnelles existantes, l’INTOSAI s’est adressée à CABRI pour lui faire part des principes utilisés dans son programme de renforcement des capacités en finances publiques (RCFP). Cette démarche a été effectuée lors d’un atelier de formation de quatre jours du 12 au 15 septembre, à Oslo, en Norvège, avec des membres du personnel de l’INTOSAI, de l’AfroSAI-E (Organisation africaine des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques des pays anglophones) et du CREFIAF (Conseil régional de formation des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques d’Afrique francophone subsaharienne) et des fonctionnaires des ISC paires, notamment celles du Kenya, du Gabon, de la Lettonie, de la Tunisie, du Sénégal, de la Suède, du Maroc, du Royaume-Uni, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Turquie.
Andrew Lawson de la société de conseil Fiscus Limited a situé le contexte de l’audit dans le paysage plus large de la GFP tout en réfléchissant aux raisons pour lesquelles les réformes de la GFP échouent si souvent à produire les résultats escomptés. Il a été proposé que les ISC soient davantage impliquées dans la conception des réformes plus larges de la GFP et dans le suivi de la mise en œuvre des réformes ou de leurs résultats. Il faudrait toutefois trouver un équilibre avec tout conflit d’intérêts perçu, car les travaux d’audit ultérieurs pourraient devoir faire des observations sur les conséquences des mesures de réforme. Andrew a conclu en soulignant qu’une nouvelle orthodoxie est en train de se développer qui souligne que pour que la réforme de la GFP réussisse, elle nécessite une appropriation gouvernementale, des approches axées sur la résolution de problèmes et spécifiques au contexte ainsi que des modalités de financement flexibles et « indépendantes ».
Le Grand Doyen de l’approche PDIA, le professeur Matt Andrews du programme Building State Capability de la Kennedy School de Harvard, a présenté aux participants les raisons pour lesquelles l’approche de l’adaptation itérative pour la résolution de problèmes (PDIA) est la mieux adaptée aux défis complexes et pernicieux auxquels font face les ISC dans les pays en développement. Il a démontré que l’importance de problèmes bien définis, tangibles et mesurables est un outil clé pour inciter les agents à prendre des risques, à remettre en question le statu quo, à créer un dialogue et à servir de base à la recherche d’autres solutions.
La base de la formation, animée par Danielle Serebro, responsable de programme par intérim à CABRI, et par Signe Sorensen, associée du programme RCFP, impliquait des équipes d’ISC paires qui ont déterminé un problème affectant les ISC qu’elles soutiennent, le déconstruisant en ses causes primaires et secondaires (et dans de nombreux cas, en des causes tertiaires) et envisageant des idées pour commencer à les résoudre. L’objectif n’était pas de mettre en œuvre des idées d’action, mais plutôt de permettre aux pairs de comprendre la façon d’appliquer l’approche PDIA afin qu’ils puissent utiliser ces concepts pour soutenir les ISC.
Parmi les problèmes choisis, figuraient le fait que l’Assemblée nationale gambienne ne donne pas suite aux recommandations d’audit, ce qui limite l’impact des rapports; le contrôle juridictionnel à Madagascar est absent ou retardé, ce qui limite le fonctionnement des agences ; les salaires de l’ISC au Soudan du Sud sont payés en retard ou pas du tout, ce qui affecte le moral du personnel et la capacité de l’ISC à exécuter son mandat ; les recommandations d’audit ne sont pas souvent mises en œuvre en Somalie, ce qui compromet la prestation de services et la valeur de l’audit pour les citoyens ; et, il n’y a jamais eu de jugements rendus, en RDC, sur les comptables publics, ce qui encourage la corruption et l’impunité.
Le Professeur Andrews a conclu la formation en partageant son point de vue sur l’importance d’équipes fonctionnelles pour résoudre des problèmes complexes et sur la façon dont le coach PDIA aide les équipes à élaborer des normes, à assurer la continuité de l’engagement, et, à faciliter la sécurité psychologique, la responsabilisation et la motivation.
Les conversations lors de la formation ont réaffirmé l’importance d’établir des relations solides et un dialogue constant entre les ministères des Finances et les ISC. Nous nous réjouissons à la perspective de pouvoir réunir dans un avenir proche ces parties prenantes pour veiller à ce que les recommandations d’audit aboutissent à des systèmes de GFP plus solides et plus responsables et, à terme, contribuent à une meilleure prestation de services pour les citoyens des pays fragiles et à faible revenu à travers l’Afrique.