En septembre 2024, CABRI a mené à terme la Phase 1 d'un nouveau domaine de travail sur l'amélioration de la gestion numérique des finances publiques (GFPn) en Afrique. Cette première phase de travail visait à dresser un tableau du parcours numérique de pays africains et des défis auxquels ils ont fait face ainsi que des succès qu’ils ont remportés. À travers deux webinaires (1er webinaire, second webinare) et quatre enquêtes-pays, à savoir au Kenya, au Rwanda, au Bénin et en Afrique du Sud, CABRI a cherché à :
- Comprendre les défis communs à relever lors de la mise en œuvre de réformes numériques pour améliorer la fonctionnalité de la GFP et la prestation des services.
- Identifier les différentes façons dont ces problèmes ont été surmontés.
- Co-concevoir le travail futur de CABRI dans ce domaine, en fonction des rétroactions et des besoins des pays.
Les discussions de la Phase 1 ont confirmé qu’aux yeux des participants les outils numériques étaient un vecteur clé de la transformation de la GFP. Chaque pays introduit des outils ou des modules visant à renforcer son système de GFP, qu'il s'agisse d'améliorer l'efficacité des procédures, d'obtenir une plus grande transparence financière ou de renforcer l’obligation de rendre compte des parties prenantes. Il s'agit toutefois d'un processus difficile qui nécessite la mise en place d’une équipe pluridisciplinaire ainsi que de revues et d’adaptations régulières.
Les discussions ont permis à CABRI d’identifier quelques thèmes et défis communs qu’elle utilisera pour concevoir la prochaine phase des travaux, en commençant par organiser conjointement avec l’ODI, la Conférence internationale sur les finances publiques à l’ère numérique, qui se tiendra en novembre 2024 à Johannesburg, en Afrique du Sud. Trois thèmes communs sont décrits ci-dessous :
- Les pays adoptent de plus en plus une approche modulaire ou progressive des réformes de la GFP numérique, mais ont encore du mal à tirer pleinement parti de cette méthode.
Les quatre pays de l'étude se sont éloignés de l'idée d'une approche dite du « Big bang (substitution instantanée) », dans laquelle la numérisation de tous les aspects de la GFP est prévue d’être réalisée faire en une seule fois. Certains exemples ont montré la manière dont de nouveaux outils ont été introduits et testés avec les utilisateurs finaux avant un déploiement complet et avant le remplacement d’un système existant. Le Bénin, par exemple, a reconnu qu'un nouveau système fonctionnerait en parallèle avec les anciens systèmes numériques, jusqu'à ce que la fiabilité et la crédibilité des données puissent être assurées. Cette approche permet de susciter l'adhésion des utilisateurs et d'apporter les ajustements nécessaires à l'outil lors de sa mise en œuvre.
Il faut, pour que cette approche modulaire soit couronnée de succès, disposer de solides capacités de gestion des programmes. L'un des principaux objectifs du renforcement des capacités en matière de GFP numérique est le développement de capacités/compétences internes pour les programmeurs et les développeurs de logiciels. Cependant, lors du 2e webinaire, la « résistance au changement » était le défi de gestion le plus signalé dans les processus de GFPn, ce qui semble indiquer qu’il faut continuer à travailler au renforcement des capacités de gestion des programmes afin d'adopter une approche progressive du développement des systèmes de GFPn.
En outre, cette approche modulaire devrait idéalement être guidée par des normes de données strictes pour permettre l'interopérabilité et être liée à des stratégies et initiatives numériques nationales plus larges. Par exemple, des « blocs » numériques réutilisables et connectés, tels que les plateformes d'administration en ligne (ou e-gouvernement ou gouvernement électronique), peuvent aider à éviter la redondance du développement des systèmes entre les ministères et à garantir que les systèmes de GFP sont liés aux structures globales de gouvernance numérique. Les liens entre les stratégies nationales et les priorités en matière de GFPn semblent encore faibles dans de nombreux contextes. Cette situation s'est améliorée dans les pays où la stratégie nationale était associée à la responsabilité et aux moyens d’appliquer la conformité dans les institutions publiques par un ministère des TIC ou similaire.
- Les décisions concernant les outils numériques pour la GFP commencent souvent par l'efficacité des processus du ministère des Finances, mais des améliorations aux objectifs de fonctionnalité de PFM de plus haut niveau ou aux expériences au-delà du MFP sont encore en attente dans de nombreux endroits.
Tout au long des enquêtes par pays, CABRI s'est intéressée à comprendre comment les systèmes numériques sont utilisés pour renforcer les fonctionnalités sous-jacentes d'un système de GFP. Il s'agissait de reconnaître que les projets numériques devaient être considérés comme un moyen d'atteindre une fin, mais qu'en raison de l'ampleur de leur mise en œuvre, ils pouvaient devenir une fin en soi. Autrement dit, le succès d'un projet numérique ne doit pas se mesurer à l'achèvement et au déploiement de l'outil numérique, mais à la manière dont il améliore la façon dont les deniers publics sont utilisés au profit des citoyens.
Ces résultats s'alignent sur les discussions-pays de la Phase 1. Dans de nombreux pays, l'expérience montre que les systèmes numériques ont amélioré la disponibilité des données, la faculté de suivre les dépenses ou l'efficacité des contrôles budgétaires. L'impact de la GFP, en termes de mesure des performances relatives à l’utilisation des fonds pour la prestation des services offerte aux citoyens, et la mesure des performances, étaient moins évidents. Cela suggère que les pays ont adopté une approche progressive où le programme de réforme numérique commence par les objectifs à portée de main, pour améliorer la cohérence et l'exhaustivité des données, la capacité de suivre les incohérences et d’automatiser les contrôles, ainsi que d’assurer la traçabilité des fonds. Les réformes numériques de la GFP devraient alors commencer à viser les objectifs les plus élevés de la fonctionnalité de la GFP, tels que l’obligation de rendre compte, la mesure des performances et les prévisions avancées.
Un défi commun a été soulevé, à savoir : comment combler le fossé entre le personnel technique chargé de la TI (ou informatique), les propriétaires des processus d’affaires et les attentes des utilisateurs finaux. Parfois, le processus de GFP sous-jacent n'est pas clair ou ne se présente pas sous une forme optimisée pour permettre une fonctionnalité ou des résultats solides de la GFP, ce qui a été le cas dans au moins une enquête-pays, où un système de budgétisation numérisé a amélioré l'efficience de la budgétisation, mais où l'utilisation des données pour améliorer la crédibilité de la budgétisation était encore nécessaire.
Il convient également de dépasser le cadre des ministères des Finances, de comprendre les expériences des ministères sectoriels, des entités décentralisées, des entreprises publiques et des citoyens en ce qui concerne les systèmes de GFP. Une véritable stratégie numérique de la GFP et une approche de mise en œuvre doivent considérer chacune de ces parties prenantes comme des contributeurs à la conception, au renforcement et au déploiement des systèmes numériques. Par exemple, de nombreux systèmes de GFP examinés au cours de cette étude considéraient le transfert interne à une autorité locale comme la dernière étape du système de GFP, sans être en mesure de suivre la prestation réelle des services pour s'assurer que le financement accordé a permis d’obtenir les résultats prévus pour les citoyens.
- Les ministères souhaitent en apprendre davantage sur ce que d'autres pays ont fait et sur la façon dont ils peuvent évaluer leurs propres progrès dans leur parcours numérique.
Quelques pays ont souligné la nécessité de disposer de ressources plus importantes pour évaluer leurs progrès et apprendre de leurs pairs. De nombreuses ressources qui peuvent soutenir une auto-évaluation sont déjà disponibles. Les ressources en ligne du secteur public comprennent les 12 domaines de transformation numérique de l'OCDE, les directives (ou lignes directrices) numériques/la méthodologie DIGIT (Digital Solutions Guidelines Implementation Tool ou Outil d’application des directives relatives aux solutions numériques) du FMI, l'approche modulaire iFMIS (Système intégré d'information relatif à la gestion financière ou SIIGF) du FMI. Il existe, dans le secteur privé, de nombreuses normes qui permettent d'évaluer l'avancement des investissements numériques du secteur public : l'approche CobIT [Control Objectives for Information and Related Technology ou Objectifs de contrôle (des technologies) de l’information et des technologies connexes] de l'Association d'audit et de contrôle des systèmes d'information (ISACA), la bibliothèque ITIL (Information Technology Infrastructure Library ou bibliothèque de l’infrastructure des technologies de l’information), les normes ISO dont ISO 27001 (Sécurité de l’information, cybersécurité et protection de la vie privée : systèmes de management de la sécurité de l’information, de 2022) et ISO 27005 (Sécurité de l’information, cybersécurité et protection de la vie privée : préconisations pour la gestion des risques liés à la sécurité de l’information – Exigences, de 2022), l'approche ADKAR (Awareness, Desire, Knowledge, Ability, Reinforcement ou Conscience, Désir, Connaissance, Capacité et Renforcement) pour la gestion du changement et bien d'autres.
L’absence d’une vue d'ensemble des activités numériques qui ont été entreprises sur le continent africain ainsi que de la manière dont les pays ont surmonté des défis communs dans leur propre contexte (en d'autres termes, des occasions de partager les expériences pratiques et la pratique de la réforme numérique), est des plus frappantes.
CABRI étudie comment elle peut contribuer à combler cette lacune, en organisant tout d’abord la Conférence internationale sur les finances publiques à l’ère numérique, en partenariat avec l'ODI. Pendant deux jours, les 19 et 20 novembre, des fonctionnaires de pays participants et des experts techniques se réuniront pour partager leur savoir et leur expérience concernant l'introduction de systèmes numériques de la GFP, et au-delà. La première journée examinera comment les systèmes numériques ont été utilisés dans les processus de GFP, tandis que la deuxième journée étudiera le rôle que jouent les ministères des Finances dans la promotion et l'utilisation de l'infrastructure publique numérique – en cherchant des outils numériques autres que ceux des ministères des Finances. Veuillez vous rendre sur la page dédiée à cet événement pour vous enregistrer afin d’y participer virtuellement ou en personne, et inscrivez-vous à la série de webinaires Budgets and Bytes de l'ODI pour des mises à jour régulières.