Depuis la crise financière mondiale, la dette publique, qui a été au centre du programme macroéconomique et politique, a considérablement augmenté en raison de l’impact de la pandémie de COVID-19 sur le fisc.
La récente pandémie s’est traduite par : la forte distraction que connaissent les économies, la réduction des taux directeurs par les banques centrales, l’émission par les gouvernements d’un montant accru de dettes en raison de l’absence de recettes fiscales et de l’augmentation des dépenses à la suite des plans de relance budgétaire.
Les gestionnaires de la dette ont dû s’adapter rapidement aux besoins de financement plus élevées, en cherchant d’autres sources de financement, telles que l’accès au financement d’urgence du FMI et de la Banque mondiale, multilatérales, du développement, ainsi que l’augmentation du financement sur les marchés locaux des capitaux d’emprunt. Étant donné que les investisseurs deviennent plus frileux face au risque, leur comportement a changé pour privilégier le compartiment à court terme de la courbe. La nature actuelle à court terme des portefeuilles de dette publique signifie qu’un montant considérable de remboursement de titres de dette devra être reconduit au cours des prochaines années, afin d’éviter les risques de refinancement. En tant que stratégie de financement, certains pays, pour éviter les risques de refinancement, ont étalé leurs émissions, afin de faciliter les remboursements futurs. Lorsque les risques de refinancement sont inévitables, l’objectif est de les gérer activement, par le biais de programmes d’arbitrage ou de rachat.
Dans un avenir proche, les besoins de financement dans la plupart des pays africains resteront élevés, ce qui aggravera encore plus le fardeau de la dette. Même les pays à revenu intermédiaire sont maintenant confrontés à des niveaux d’endettement insoutenables. Le ratio moyen de la dette au PIB en Afrique devrait atteindre 71,3 %, soit 11 % de plus que le seuil de soutenabilité de 60 %. Le niveau d’endettement augmentant, le coût de l’emprunt menace maintenant d’autres postes budgétaires de dépenses, comme les services de santé, d’éducation et de protection. Les coûts d’emprunt des pays africains restent toutefois élevés par rapport aux autres pays en développement et aux pays développés. Les investissements en Afrique sont considérés comme risqués et, par conséquent, une prime de risque élevée est perçue sur les investissements. On estime qu’en améliorant la communication, qu’en nouant et renforçant des relations et qu’en étant plus transparent en ce qui concerne les sources de financement, le coût d’emprunt pourrait être réduit. Il s’agit d’instaurer la confiance et pour les pays de mettre en place des réformes qui, au fil du temps, leur permettront de s’imposer en tant qu’emprunteurs crédibles et fiables.
Les taux d’intérêt dans les pays développés resteront bas, voire négatifs dans certains cas, ce qui signifie que le retour sur investissement est sous pression, ce qui se traduit par la recherche par les gestionnaires de fonds de rendements plus élevés sur les marchés émergents et en développement. Les pays africains devraient donc continuer à développer leurs marchés locaux des capitaux d’emprunt, en les rendant plus accessibles, en réduisant les coûts de négociation et en évitant toute exigence réglementaire inutile. Une source locale de financement réduira les risques et rendra les pays moins vulnérables aux chocs extérieurs.
L’accès aux marchés régionaux et l’exploitation des marchés de la zone euro ont atténué les pressions financières exercées sur les pays francophones de la région UEMOA. Il est encourageant de constater que la Banque africaine de développement a entrepris un projet, dans lequel sept des plus grandes bourses du continent commenceront bientôt à travailler ensemble pour développer, entre autres, une plateforme centrale de négociation et de cotation des prix. Cette initiative attirera une base d’investisseurs plus large et augmentera la liquidité, ce qui conduira finalement à un financement moins coûteux pour les émetteurs de titres d’État.
Outre l’énorme surendettement, dû à la pandémie de COVID-19 et aux besoins élevés d’emprunt, les gestionnaires de la dette publique en Afrique doivent également se concentrer sur la façon de normaliser les affaires et de maîtriser la situation. Des besoins de financement élevés ne peuvent pas être maintenus beaucoup plus longtemps. Les pays devraient commencer à réfléchir à la façon de stabiliser les niveaux élevés d’endettement et de redresser la tendance à la baisse de leur notation.
Lors d’une récente réunion du réseau des gestionnaires de la dette publique en Afrique, organisée par CABRI, des pays comme la Zambie, ont expliqué comment les politiques budgétaires expansionnistes, axées sur le développement des infrastructures, avaient conduit à des niveaux d’endettement élevés même avant la pandémie de COVID-19. Des mesures draconiennes sont maintenant prises pour rétablir l’impact des niveaux d’endettement élevés en Zambie. Le gouvernement zambien a imposé un moratoire sur tous les nouveaux financements de la dette extérieure et a choisi de reporter les paiements d’intérêts. Des mesures d’austérité ont également été introduites pour maîtriser les dépenses publiques et les aligner sur les futurs encaissements de recettes fiscales. Afin de mettre en place des mesures draconiennes, les pays doivent travailler en étroite collaboration avec les créanciers et les investisseurs, en suivant des stratégies de communication claires, qui déboucheront sur une meilleure compréhension des défis budgétaires des pays.
Les discussions lors de la réunion du réseau, ont permis aux pays de faire part de leur stratégie de stabilisation de la dette et de la façon d’atténuer l’impact de l’énorme surendettement dû à la pandémie de COVID-19. Certains des principaux messages à retenir, sont les suivants :
- les pays doivent innover en diversifiant les instruments de financement qui attireront une base d’investisseurs plus large ;
- l’établissement et le renforcement des relations avec les principales parties prenantes ;
- la négociation, au sein des régions, de modalités et de structures de coûts unifiées avec les créanciers/investisseurs ; et,
- le rétablissement de nouveau de la normalité, en revenant à la suspension des plafonds de dépenses.
Toutefois, les gestionnaires de la dette publique doivent veiller à ne pas trouver de solutions rapides à la situation actuelle d’emprunt et de surendettement élevés. Les politiciens dans une situation de surendettement pourraient opter pour une restructuration rapide qui procure un fort allégement à court terme, mais qui pourrait compliquer la situation pour les prochaines administrations. Les pays et les partenaires du développement doivent plutôt penser aux besoins et au soutien à long terme pour aider les pays à financer la reprise économique et à s’occuper des problèmes de soutenabilité de la dette qui se poseront après la pandémie.