Reconnaissant à la fois l’importance de systèmes robustes de GFP et le partage d’informations en temps opportun pour faire face à une crise extraordinaire, CABRI a lancé le Moniteur africain des mesures en finances publiques COVID-19, le 23 avril 2020. Depuis son lancement, le Moniteur a été actualisé trois fois avec des informations sur la façon dont les gouvernements africains réagissent à l’implication budgétaire de la COVID-19, en : (i) modifiant les règlements et les procédures au sein du système de GFP ; (ii) procédant à des ajustements et à des réaffectations budgétaires ; (iii) mobilisant des ressources ; iv) soutenant le secteur social et les entreprises ; v) adoptant des mesures de politique monétaire ; (vi) ayant recours à l’achat stratégique de médicaments et d’équipements médicaux ; et, (vii) en adoptant des mesures de transparence et de redevabilité.
Ce blog donne une vue d’ensemble du Moniteur sur les mesures adoptées par les gouvernements africains, en particulier par les ministères des Finances, en réponse à la pandémie de COVID-19.
La Banque mondiale et le FMI ont estimé que l’Afrique aura besoin d’environ 114 milliards de dollars US en 2020 pour lutter contre la COVID-19. Le Moniteur reflète un écart important, à la fois en valeur absolue et en pourcentage du PIB, dans les projections des pays de leurs besoins de financement associés à la COVID-19. Certains pays, comme le Bénin, le Burundi, le Congo, n’ont estimé leurs besoins que pour le financement des soins de santé. Ces plans vont de 0,7 % du PIB en RDC à 3 % du PIB au Bénin. D’autres pays, dont l’Afrique du Sud, le Botswana, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, la Namibie, Maurice et le Nigéria, ont préparé des plans complets, qui comprennent les coûts associés à la stimulation de l’économie et au soutien aux entreprises et aux ménages vulnérables. Ces plans s’élèvent en moyenne à près de 5 % du PIB, l’Afrique du Sud faisant figure d’exception avec un plan de l’ordre de 10 % du PIB. Il n’est pas surprenant que ces estimations évoluent rapidement : le Burundi, le Cameroun et le Niger ont presque doublé leurs besoins de financement estimés entre mars et mai.
Le Moniteur indique également que les ministères africains des Finances ont joué un rôle déterminant dans le soutien à la riposte face à la COVID-19, en réaffectant rapidement les fonds existants et en élaborant des budgets supplémentaires (ou lois de finances rectificatives) ainsi que des plans de dépenses supplémentaires. Le Nigéria, outre le fait d’annoncer un plan de relance, a réduit ses dépenses d’investissement de 20 % pour financer les dépenses liées à la COVID-19 et à la suite de la baisse du prix du pétrole. En Angola, le pouvoir exécutif a annoncé des dépenses de santé supplémentaires de l’ordre de 40 millions de dollars US à financer, en partie, en gelant 30 % de son budget de biens et services et en suspendant les dépenses en capital jusqu’à l’achèvement de la revue budgétaire. Le Sénégal a annoncé des compressions de dépenses de fonctionnement et des reports d’investissements de 159 milliards de francs CFA. Au Zimbabwe, le Trésor public réorientera la majeure partie du budget des dépenses en capital du pays pour 2020 vers la lutte contre la COVID-19, y compris vers l’approvisionnement en eau et l’assainissement. Bien que les budgets ordinaires connaissent également des compressions importantes, il est clair que les dépenses en capital sont les plus réduites, ce qui aggrave l’écart annuel actuel de financement des infrastructures de 68 à 108 milliards de dollars US.
Outre la redéfinition des priorités de dépenses, le Moniteur indique que les règles et les processus de GFP ont été ajustés afin d’assurer une meilleure coordination et une prestation rapide des services d’urgence.
Plusieurs ministères des Finances, dont celui du Bénin, du Tchad, des Comores, d’Eswatini, de la Guinée et du Mozambique, ont créé des unités ou des comités COVID-19 pour centraliser les décisions sur l’allocation des ressources. Le ministère ghanéen des Finances a constitué une « équipe de réaction face à la COVID-19 du MdF » de cinq membres, afin d’assurer le traitement rapide des demandes de paiement COVID-19, d’examiner et de valider la demande de fonds, de donner une rétroaction à la direction sur les prélèvements de fonds d’urgence, et, de maintenir une matrice de toutes les initiatives COVID-19 à des fins de coordination.
Plusieurs pays, comme l’Afrique du Sud, le Botswana, le Cameroun et le Ghana, ont mis en place des processus simplifiés de passation des marchés, ont tenu compte de la sollicitation d’une source unique ou ont accéléré la transmission des ordres d’achat et le paiement des arriérés. D’autres, à l’instar de l’Algérie, ont assoupli les délais contractuels pour les entreprises qui rendent des services au secteur public et ont suspendu les pénalités de retard.
Bien qu’il n’y ait pas encore beaucoup d’informations accessibles au public sur la façon dont les pays assurent la poursuite des opérations de trésorerie pendant le confinement, la Zambie a mis en œuvre des mesures pour permettre la continuité opérationnelle en autorisant à ses fonctionnaires de travailler à distance. Cette décision a permis d’assurer la continuité de la gestion de la trésorerie et de la paie ainsi que d’autres opérations de finances publiques.
Il est intéressant de noter que nous constatons déjà une certaine flexibilité en ce qui concerne les règles budgétaires, comme les plafonds de la dette et du déficit. Au niveau national, le Ghana envisage de suspendre la règle de 5 % du déficit de la Loi sur la responsabilité budgétaire, de 1,1 % du PIB remanié. Au niveau régional, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a déclaré une suspension temporaire de ses critères de convergence, y compris de la règle du déficit budgétaire de 3 % du PIB, pour aider ses pays membres à faire face aux retombées de la pandémie de COVID-19. Il est probable que nous verrons beaucoup plus de tolérances à l’égard de la dérogation aux règles budgétaires ; il sera intéressant d’observer quand et comment les pays retourneront aux règles budgétaires d’avant la crise.
Le Moniteur africain des mesures en finances publiques COVID-19 continuera d’être actualisé tous les 10 jours. Jusqu’à présent, les informations collectées proviennent principalement de sources accessibles au public, y compris de communiqués de presse officiels et de documents budgétaires. Toutefois, une enquête a été envoyée aux ministères africains des Finances pour savoir comment ils ont utilisé leurs systèmes de GFP pour réaffecter les ressources, décaisser les fonds nécessaires à toutes les dépenses d’urgence, les suivre et en rendre compte, et pour assurer l’efficacité et l’efficience des dépenses. L’ajout de ces informations au Moniteur africain des mesures en finances publiques COVID-19 permettra à cet outil de se développer en un référentiel inestimable de réponses de GFP pendant une crise.