Les investissements publics constituent depuis longtemps un défi politique pour bon nombre de pays africains. Ce sont des moteurs importants de la croissance économique, de la création d'emplois et du développement des infrastructures. D’après les statistiques de la Banque mondiale sur les infrastructures, au cours des deux dernières décennies, les pays d'Afrique subsaharienne (ASS) sont toujours à la traîne par rapport au reste du monde sur le plan de la fourniture d’énergie, de la densité des routes asphaltées, des infrastructures d'éducation publique, des infrastructures de télécommunications et de l'accès à l'eau, et ce, malgré l'augmentation des dotations et des taux d'investissement dans les infrastructures.
Ce constat semble indiquer l’inefficience des cycles de gestion des investissements publics de ces pays. Par ailleurs, ses symptômes en matière de finances publiques sont multiples : faible exécution des dépenses en capital (ou dépenses d'investissement), projets qui se heurtent constamment à des retards et à des dépassements de coûts, accumulation d'arriérés – et il ne s’agit là que de la partie visible de l'iceberg.
Ce sont là quelques-uns des problèmes auxquels s'attaquent les équipes-pays du programme 2023 « Renforcer les compétences en finances publiques en Afrique ». Au cœur du programme se trouve l'approche de l'adaptation itérative pour la résolution de problèmes (PDIA) qui promeut une compréhension approfondie des problèmes politiques complexes afin de développer des solutions adaptées au contexte. Pour ce faire, les équipes-pays doivent déterminer les différentes causes du problème au sein de la chaîne d'investissement public, du processus de planification stratégique jusqu'à la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation de ces projets, en passant par leur conceptualisation, instruction et sélection.
Des équipes-pays comme celle du Lesotho, par exemple, ont identifié plusieurs faiblesses dans la phase de conceptualisation des projets et les liens (ou l'absence de ceux-ci) avec le processus budgétaire - en particulier, les compétences en matière de coordination et d'analyse requises lors de l'instruction et de l'évaluation des projets pour démontrer leur bancabilité et leur viabilité financière. La résolution de ces problèmes, ne consiste pas uniquement à améliorer les outils et les méthodologies des études de faisabilité ou des évaluations d'impact, mais s’appuie également sur la détermination du bon profil des personnes qui devraient s’en occuper et les évaluer, sur l'engagement politique en faveur de critères rigoureux de sélection et de priorisation, sur le calendrier de ces processus afin d'assurer des liens étroits avec le processus budgétaire à moyen terme, etc. En outre, la capacité des unités de gestion des investissements publics et les mécanismes de coordination entre ces unités et les directions des finances et de la planification sont tout aussi importants.
Ces problèmes ont encore plus été accentués au cours de la phase d'exécution, comme l'ont identifié les équipes-pays du Nigéria et du Bénin : les retards dans les processus de passation des marchés et le déblocage de trésorerie ou les faiblesses des systèmes de suivi et de reporting en cours d’exercice sont quelques-uns des défis qui se manifestent généralement. Comme pour la planification budgétaire, il ne s'agit pas seulement de problèmes techniques résultant de l'absence de règles ou de processus, mais plutôt du fait que le budget est intrinsèquement déterminé par des personnes ayant leurs propres systèmes d'incitation, capacités et motivations. Par exemple, les règles en matière de passation des marchés peuvent très bien être claires en théorie, mais dans de nombreux cas, ce sont les multiples degrés de liberté dans la manière dont les agences chargées des achats et les ministères dépensiers s'engagent mutuellement, qui dictent si les résultats de la passation des marchés seront fonctionnels ou non.
Il faudra donc, pour résoudre ces problèmes, plus que des solutions techniques. Il s'agit de problèmes complexes dont les causes sont profondément enracinées. Et tout comme le Titanic, ce n'est pas la partie visible de l'iceberg qui a coulé le bateau, mais les profondeurs indétectables de la glace sous l'eau.
Au cours des deux prochains mois, les équipes-pays poursuivront leur parcours d'apprentissage par l'action en tenant des consultations plus approfondies avec les parties prenantes afin de découvrir les causes profondes de ces problèmes complexes et de proposer et mettre en œuvre des solutions dans le cadre d'un processus collaboratif.
En mars, les équipes se réuniront à Kigali, au Rwanda, dans le cadre d'un atelier d’évaluation des progrès, afin de faire le point sur les nouveaux enseignements qu’elles ont tirés, sur les solutions qu'elles ont identifiées et expérimentées, sur les mesures correctives qui pourraient être nécessaires et sur les nouveaux objectifs fixés pour les mois à venir. L'atelier facilitera également une réflexion approfondie sur la manière dont les équipes-pays au sein des institutions poursuivront ce travail en intégrant une culture de l'itération et de l'adaptation dans la résolution de problèmes complexes de politiques et de finances publiques.
Tableau 1 : Énoncés du problème et progrès réalisés
Pays | Problème | Progrès |
---|---|---|
Bénin | Faible taux d'exécution des projets d'infrastructures de production sur financement intérieur dans le secteur agricole. | • L'équipe a commencé à consulter les parties prenantes afin de déterminer les retards pris dans l’exécution du budget, notamment en ce qui concerne l'approbation des plans de travail annuels. |
• Réalisation d'une enquête pour mettre en évidence les insuffisances de formation dans la passation des marchés publics. | ||
Guinée | Forte accumulation des arriérés intérieurs, impactant la mise en œuvre des politiques publiques, pénalisant les fournisseurs de services et entachant la crédibilité de l'État. | • L'équipe a tenu plusieurs consultations avec les parties prenantes concernées afin de déterminer l'importance des arriérés et d'identifier les secteurs prioritaires, en particulier dans le secteur de l'énergie, qui détient la plupart de ces arriérés. |
• L'équipe réévalue les techniques de prévision budgétaire afin d'assurer une plus grande crédibilité et fiabilité des prévisions de recettes. | ||
Lesotho | Faible accès à l'eau salubre et potable en raison de la médiocrité des infrastructures hydrauliques. | • L'équipe s’est entretenue avec l'unité de gestion du cycle de projet afin de comprendre les diverses structures organisationnelles qui contribuent au processus d’instruction des projets et de cerner les défis. |
• L'équipe est en train de mobiliser les agents chargés de la planification pour répondre aux besoins et aux lacunes en matière de renforcement des capacités. | ||
Nigéria | Malgré les emprunts incessants du gouvernement et l'augmentation des dépenses dans les secteurs sociaux, les dépenses en capital n'ont pas atteint les résultats escomptés. | • L'équipe mobilise les ministères concernés pour recueillir des données pertinentes relatives à la mise en œuvre de projets dans les domaines de la santé et de l'éducation et identifier les lacunes. |