Transformer les ressources extractives (minières, pétrolières et gazières) en résultats de développement s’est avéré être un défi pour les gouvernements africains et pour les pays en développement en général. Les voies reliant les richesses du sous-sol à l’amélioration des niveaux de vie sont complexes. Cet article présente certaines réflexions que les auteurs aimeraient partager ainsi que plusieurs initiatives prises par la Banque africaine de développement et l’Initiative africaine concertée sur la réforme budgétaire (CABRI) pour aider les gouvernements africains à mieux aborder la question.
Gestion des risques
Pour les pays en développement, la première étape consiste à atténuer les risques économiques présentés par les ressources extractives. La finitude des ressources et la volatilité des cours des matières premières sur les marchés mondiaux sont des menaces pour les pays riches en ressources. Afin d’éviter d’être au bord du gouffre, ils ont besoin d’intégrer, dans leurs politiques et leurs processus budgétaires, des mécanismes permettant de protéger les programmes de dépenses contre les baisses soudaines de recettes. Les gouvernements doivent également s’assurer que la richesse provenant des ressources naturelles soient préservée pour les générations futures après l’épuisement des ressources réelles du sol.
Deuxièmement, les industries extractives sont à forte proportion de capital, utilisant des machines complexes et des compétences de pointe en tant qu’intrants dans le processus d’extraction plutôt qu’une main-d’œuvre importante. Les gouvernements doivent composer avec l’écart entre les attentes accrues des citoyens en matière d’opportunités économiques et la quantité limitée d’emplois directs créés.
Troisièmement, les gouvernements sont souvent désavantagés sur le plan des informations vis-à-vis des sociétés extractives, compte tenu de leurs faibles connaissances de la valeur des actifs miniers sur le terrain, du coût de l’extraction, du flux des recettes qui devraient être générées et de l’impact de l’extraction sur les communautés environnantes. L’asymétrie de l’information réduit l’efficacité de l’action du gouvernement et sa capacité de concevoir les outils fiscaux et réglementaires qui peuvent maximiser la valeur des ressources pour ses citoyens.
Application d’un cadre de politique
Si la liste des risques à gérer est longue, les opportunités d’associer les industries minières, pétrolières et gazières aux résultats de développement sont également complexes et multicouches, comme le souligne une analyse effectuée par le Centre africain des ressources naturelles de la Banque africaine de développement. Ces occasions favorables comprennent la voie « fiscale » où les gouvernements taxent le produit tiré des industries extractives pour l’investir par le biais du budget national, et les voies directes qui tirent parti des dépenses engagées directement par les entreprises extractives lors de l’exécution de leurs opérations – principalement en stimulant la participation des entreprises locales dans les chaînes d’approvisionnement et de valeur des industries extractives et en encourageant les transferts de compétences et de technologies. L’importance d’un cadre de politique globale qui intègre ces voies a été le thème d’un Dialogue sur les Politiques organisé par CABRI à Accra en 2016, auquel ont participé des décideurs de huit gouvernements africains.
Afin de mettre en œuvre ce cadre, les décideurs africains doivent affiner des outils de politiques spécifiques pour soutenir chaque étape du cycle de politique des ressources extractives décrit dans la figure ci-dessous.
Conclusion d’une bonne entente
Tout d’abord, les pays africains doivent s’approprier une part équitable des profits découlant des revenus extractifs. Les gisements miniers et pétroliers en Afrique appartiennent généralement à la nation, mais sont extraits par des entreprises commerciales en vertu de dispositions contractuelles de bail. Compte tenu de l’expérience de la Facilité africaine de soutien juridique (ALSF), une organisation internationale, hébergée par la Banque africaine de développement, qui apporte des conseils juridiques et une assistance technique sur des opérations complexes, les gouvernements africains doivent réduire les asymétries informationnelles et techniques lorsqu’ils négocient avec les entreprises extractives internationales.
Conclure un accord favorable avec le secteur privé, exige des gouvernements qu’ils aient une vision claire de ce qu’ils veulent obtenir de leur patrimoine naturel. Il est essentiel que les gouvernements disposent d’une feuille de route précise sur la façon de conclure une entente favorable avant de s’asseoir à la table des négociations. Les gouvernements africains doivent s’assurer de la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire ; et, de la composition élargie de leur équipe de négociation, qui reflète les multiples compétences requises pour une négociation réussie. Des outils tels que l’Atlas de la législation minière africaine (AMLA), une ressource en ligne gratuite de législation et de règlementation minières africaines, et ResourceContracts.org, une centrale de dépôt des contrats d’investissement pour les projets pétroliers, gaziers et miniers, accessibles au public, ont été conçus afin d’évaluer de manière comparative les approches réglementaires et contractuelles par rapport aux expériences vécues ailleurs et d’aider à remédier aux désavantages informationnels.
Utilisation de modèles financiers
Deuxièmement, l’élaboration d’une bonne politique, y compris de stratégies de négociation, doit être fondée sur une analyse solide et une bonne compréhension de l’impact économique et budgétaire des différentes options. Les modèles financiers, qui sont essentiellement un système intégré de variables où un utilisateur peut modifier un éventail de donnés d’entrée pour voir l’impact qu’il a sur les résultats, peuvent aider à :
- simuler l’impact des changements sur le plan budgétaire apportés aux activités extractives
- orienter la position de négociation du gouvernement pour les contrats de ressource, les baux et les contrats de partage de la production
- guider le recouvrement de l’impôt en fournissant une base de référence permettant d’évaluer les recettes réelles perçues (« analyse de l’écart fiscal »).
Les investisseurs et les entreprises extractives utilisent intensivement les modèles financiers pour évaluer la faisabilité financière des projets selon divers scénarios techniques, opérationnels, de marché et réglementaires. Les gouvernements africains adoptent de plus en plus des modèles financiers pour orienter les décisions de gestion des ressources extractives. Un rapport de la Banque africaine de développement, qui paraîtra bientôt, soutient qu’un investissement plus important dans la capacité de modélisation financière ainsi qu’une approche qui associe l’utilisation de modèles à la prise de décisions tout au long des étapes de la chaîne de valeur de la politique, renforcerait considérablement l’efficacité de cette dernière.
Gestion des recettes
Enfin, les recettes tirées du secteur des industries extractives, si elles sont bien gérées, ont le potentiel de transformer l’économie d’un pays. Par le passé, de nombreux pays tributaires des ressources naturelles ont aggravé les instabilités en mettant en œuvre des politiques budgétaires de manière procyclique, en dépensant de manière inconsidérée en périodes de prospérité et en mettant en place des mesures d’austérité sévères en périodes de baisse des cours, ce qui porte atteinte à la confiance et retarde la croissance. Les implications des industries extractives pour les praticiens de la gestion des finances publiques (GFP) commencent bien avant l’apparition des recettes directes provenant de la vente des ressources. À ce titre, les finances publiques seront affectées par diverses décisions de planification qui sont faites avant l’accumulation des recettes, telles que les décisions sur le contenu local et la politique industrielle.
Une fois que les recettes commencent à affluer, une question initiale fondamentale sera la décision concernant l’équilibre entre les dépenses et l’épargne. Les responsables politiques doivent également trouver des moyens novateurs d’affectation des dépenses qui encouragent la viabilité budgétaire à long terme, tout en évitant la dégradation de l’économie qui ne dépend pas des ressources naturelles. L’idéal serait que les recettes provenant des industries extractives soient intégrées au système existant de GFP afin de maintenir l’intégrité du processus budgétaire.
Prochain Dialogue sur les Politiques
Ces questions seront au cœur des débats à l’occasion d’un atelier régional qui sera accueilli par la Banque africaine de développement et CABRI, avec la collaboration de l’ALSF, le 7 septembre à Abidjan, en Côte d’Ivoire, qui réunira des hauts fonctionnaires de ministères du Budget/des Finances, des Mines et du Pétrole de cinq pays ouest-africains riches en ressources naturelles, pour discuter des stratégies de négociation, des outils de modélisation et des cadres de politique permettant de convertir les ressources extractives en résultats de développement.