Bien que la quantité des ressources de l’Afrique en tant que continent et sa capacité à se nourrir mais aussi à nourrir le monde soient inégalées, sa facture des importations alimentaires s’élève à 36 milliards d’US$ chaque année, à l’exception de la pêche. De plus, un des points essentiels du Rapport 2014 sur les Progrès en Afrique précise que « les pays africains sont capables de réduire la pauvreté et l’inégalité en stimulant le secteur agricole qui englobe deux tiers de la population du continent ».
Avec plus de la moitié du marché total de l’emploi en Afrique sub-saharienne se situant dans le secteur agricole, ce dernier a son importance au sein des plans de développement à moyen et long terme des gouvernements. La croissance de l’agriculture ne mène pas uniquement à une élévation du PIB mais aussi à une réduction de la pauvreté. Les contextes dans différents pays ont démontré que la croissance de l’agriculture permet de diminuer la pauvreté plus efficacement que celle de tout autre secteur.
Il existe une tendance mondiale croissante vers la prise de décisions en fonction d’une base d’éléments concrets. Ce qui indique que l’on a compris, sur un plan général, qu’il faut réduire le risque de dépenses excessives sur une intervention (par ex. les subventions pour les engrais, les projets de développement rural des terres) qui ne donnerait pas les résultats espérés. Des décisions stratégiques doivent être prises afin d’investir dans ces projets qui permettent d’atteindre la valeur la meilleure pour les efforts investis et exercent un impact positif sur la population du pays.
C’est là qu’intervient le travail du CABRI sur la rentabilité des financements. Plus récemment, dans le cadre de notre travail dans le secteur agricole, nous avons examiné des outils permettant d’évaluer le rapport coûts-avantages des dépenses pour l’agriculture en Afrique. L’estimation de l’impact des interventions de financement de l’agriculture renforce l’aptitude des gouvernements à savoir où il vaut mieux investir, quels sont les soutiens qui motivent les fonds (aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur) et quelle est la contribution nécessaire à l’élaboration des politiques. Les investissements des gouvernements dans le secteur agricole ont principalement un triple objectif : (i) augmenter la sécurité alimentaire, (ii) réduire la dépendance envers les importations, et (iii) augmenter les revenus des fermiers.
Le 2ème Dialogue de CABRI sur l'agricultre a réuni des responsables budgétaires et des représentants des ministères de l’agriculture de 13 pays africains afin d’apprendre, de discuter et de partager leurs expériences sur les outils d’évaluation de l’impact.
Les évaluations de l’impact diffèrent de notre compréhension des Suivi et Évaluation (S&E). Le suivi est un processus continu au cours duquel sont surveillés les apports, les produits et les activités. L’évaluation est la révision périodique d’un programme qui peut être planifié, en cours ou terminé. Par contre, l’évaluation de l’impact est centrée sur la demande et la recherche de réponses à des questions concernant le lien cause à effet, ce qui aide les décideurs à évaluer et également corriger les interventions à différents stades du cycle d’un projet.
Les méthodes d’évaluation qualitative et quantitative peuvent très bien se compléter. Un nombre croissant d’évaluations d’impact mixtes associe les évaluations qualitatives et quantitatives. L’analyse quantitative procure des estimations moyennes qui sont importantes dans les décisions politiques mais ne parviennent pas à découvrir ce qui se produit lors de la mise en œuvre du programme ; elle n’est donc pas en mesure de déterminer si l’échec du programme est dû à une « erreur de conception » ou à une « erreur de mise en œuvre ».
On dispose de méthodologies d’évaluation variées en fonction de la nature de l’intervention à juger et qui sont toutes dotées de différentes forces et limitations :
- Méthodes aléatoires
- Méthode des doubles différences (MDD)
- Estimation par variables instrumentales
- Appariement des coefficients de propension
- Concept de discontinuité de la régression
Un plan d’évaluation de l’impact qui détaille les objectifs du programme permet de construire une chaîne de résultats, de trouver les bons indicateurs de performance et d’identifier la méthodologie correcte d’évaluation.
Les évaluations de l’impact dans le secteur agricole semblent parfois plus ardues que celles des autres secteurs. Il est particulièrement difficile de mesurer l’impact sur l’agriculture à cause des externalités ou répercussions de l’intervention agricole (par ex. les subsides) qui doivent être prises en compte au niveau de l’évaluation.
Une simple comparaison des utilisateurs d’une intervention par rapport aux non-utilisateurs ne suffit pas à refléter l’impact du programme car on obtient facilement des répercussions (bien que les répercussions positives soient souhaitables, elles compliquent néanmoins le processus de mesure de l’impact d’une évaluation). On peut le démontrer en transférant les connaissances d’un fermier dans une région d’évaluation à un autre fermier d’une région différente (groupe de contrôle). Il est possible également que l’on n’ait pas ciblé l’effet du programme sur une autre récolte. Bien qu’il soit important d’en tenir compte, il est difficile de déterminer les effets indirects.
En outre, il peut être compliqué de définir la validité des résultats d’une intervention spécifique dans un contexte différent (validité externe). Quoique ce soit le sort commun à toutes les évaluations d’impact, l’altitude, la pluviosité et la nature du sol sont des facteurs qui exercent une influence importante sur la production agricole et qui n’ont rien à voir avec l’intervention.
L’approche des évaluations de l’impact que les gouvernements préfèrent à une approche systématique, implique la responsabilisation d’un organisme des gouvernements centraux responsable qui intègre les évaluations de l’impact aux procédés de surveillance et d’évaluation. Mais la mise en place d’un tel système nécessite du temps et des ressources, avec des directives claires en ce qui concerne les procédures et les méthodologies. Il est difficile de justifier les coûts (parfois assez élevés) des évaluations de l’impact, en particulier si elles sont introduites dans un secteur où le défaut d’attribution peut être relativement significatif. C’est là qu’il est conseillé de concevoir l’évaluation autour d’un projet pilote avant d’entreprendre un exercice pangouvernemental. Si le budget le permet, pratiquer une évaluation à mi-parcours (résultats intermédiaires) en plus de l’évaluation finale pourrait être une bonne idée qui permettrait de déterminer si le programme a atteint son objectif.
Bien que les projets d’évaluation de l’impact autofinancés soient préférables pour des raisons de propriété, les pays peuvent explorer la possibilité d’un soutien provenant d’organismes extérieurs (donateurs). En fait, l’implication de donateurs pour des évaluations ad hoc est susceptible de mener à l’institutionnalisation des évaluations de l’impact au niveau gouvernemental, entraînant en cours de route les institutions du pays à s’impliquer de plus en plus au moyen de procédures d’évaluation et standardisation et de méthodologies.
Les Entretiens sur l’Agriculture sont les quatrièmes d’une série d’entretiens sur les secteurs. Les entretiens CABRI précédents avaient ciblé les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’infrastructure. Les responsables politiques des gouvernements et les experts internationaux de différentes organisations à travers le monde se réunissent autour de tables rondes pour des discussions et un travail de groupe concernant les défis spécifiques et les mécanismes de financement de l’agriculture. Les discussions sont basées sur des études de cas par pays engagées par le CABRI. Le 3ème dialogue sur le financement de l’Agriculture se concentrera sur une discussion thématique relative aux différents éléments qui freinent ou favorisent l’établissement d’un bon budget dans le secteur agricole.