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8e Rencontre virtuel du réseau de gestionnaires de la dette publique en Afrique

30 octobre 2023
Jim Matsemela
Jim Network Engagement

Le 3 octobre dernier, contrairement aux rencontres du réseau similaires organisées précédemment, CABRI a cette fois-ci collaboré avec d’autres organisations clés pionnières du travail sur la dette publique et le développement, telles que le Forum et réseau africain sur la dette et le développement (AFRODAD), l'Institut de gestion macroéconomique et financière d'Afrique de l'Est et du Sud (MEFMI), Development Reimagined (Royaume-Uni), le Secrétariat du Commonwealth (Royaume-Uni) et AfriCatalyst, pour accueillir la 8erencontre du réseau de gestionnaires de la dette en Afrique.

CABRI a accueilli 24 pays africains et plusieurs représentants du Royaume-Uni à l’occasion de cette 8erencontre du réseau de gestionnaires de la dette publique en Afrique. La Commission économique pour l’Afrique (CEA) des Nations unies a animé avec compétence les discussions interactives du réseau sur le thème de la dette cachée, non divulguée, non déclarée et/ou sous-déclarée en Afrique. CABRI remercie le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP) pour avoir également animé avec compétence les discussions interactives de la précédente rencontre du réseau (la 7e) lors de laquelle deux pays, le Bénin et la Sierra Leone, ont fait part de leurs expériences nationales en matière de gestion et/ou de réduction du risque de refinancement de leur gouvernement par la mise en œuvre d’échanges de dette, de rachats et d’autres opérations innovantes de gestion du passif.

Nonobstant le fait que même une dette publique bien gérée a des implications intergénérationnelles à long terme sur le bien-être et les ressources, ce qui signifie que la dette contractée par la génération actuelle dans les contraintes et les conditions qui prévalent aujourd’hui afin de maintenir le niveau de consommation courant ou un certain niveau de vie aura inévitablement des conséquences sur les ressources à la disposition des générations futures, étant entendu que la plupart des unités de la dette contractée aujourd’hui sont orientées vers des dépenses en capital humain et/ou d’infrastructure de manière à laisser la génération future (en termes relatifs) moins accablée par une dette des générations antérieures.

En pratique, les efforts visant à réduire les paiements d’intérêts sur la dette publique au fil du temps et des générations devront s’accompagner d’efforts au moins aussi importants pour accroître les recettes encore plus rapidement si la génération future doit hériter ne serait-ce que d’une dette soutenable (le cas échéant). Il existe des cas bien documentés de dettes cachées, non divulguées, non déclarées ou sous-déclarées, comme le montre la présentation.

Cependant, dans l’espoir d’être pardonnée ou indemnisée sur le plan académique pour sa légère contradiction avec Dornbusch et Draghi (1989)[1], CABRI a organisé les discussions interactives du réseau autour de ce thème non pas pour pointer du doigt un pays africain en particulier (malgré le témoignage de tels pays présents), mais pour chercher à déterminer les répercussions possibles (et éventuellement en tirer des leçons) sur le bon travail des professionnels et des gestionnaires de la dette publique, ainsi que les questions qu’ils doivent soulever avec leurs homologues du budget et d’autres décideurs politiques pour s’assurer que la gestion de la dette publique à long terme apporte une contribution significative au développement durable à long terme.

1. Présentation

Dr Yungong Theophilus Yong, membre d’AFRODAD, a présenté un exposé perspicace structuré en cinq parties :

1.1. Définition des dettes/passifs cachés

  • La dette cachée suscite peu de questions sur la dette publique : Combien devons-nous ? Combien avons-nous payé ? Combien reste-t-il à payer ?
  • Quelles sont les modalités de l’emprunt et sont-elles favorables ? Qu’avons-nous fait de l’argent emprunté ? Qui a autorisé l’emprunt et ce dernier a-t-il respecté les principes du droit et du constitutionnalisme ?

L’absence de réponses claires à ces questions et à bien d’autres évoque les problèmes de dette cachée liés à « la transparence et la responsabilité ». Il est important de noter que les dettes et les passifs qui ne figurent pas explicitement dans le bilan du gouvernement sont inconnus ou contractés, et donc détenus secrètement ; c'est ainsi qu'ils font partie de la « dette cachée ».

1.2. Les dettes cachées en Afrique : Cas connus

    • De toutes les régions, l’Afrique semble détenir le « décile supérieur de la dette cachée » le plus élevé par rapport à d’autres territoires.
    • Mais le problème omniprésent de la dette cachée n’est pas propre aux pays africains, car il existe des lacunes dans les données pour tous les groupes de revenus, bien qu’elles soient plus réduites pour les économies avancées que pour les économies émergentes et les pays les moins développés.
    • Le tableau récapitulatif du rapport sur la dette de la Banque mondiale (2022) montre une indisponibilité croissante des données concernant les prêts récemment contractés, ce qui fait baisser la proportion de la catégorie optimale

    1.3. Facteurs et instruments des dettes cachées

      • Si la corruption généralisée, la faiblesse de la volonté politique et des institutions chargées de la transparence et de la responsabilité, ainsi que la concurrence politique, restent des facteurs sous-jacents de la dette cachée « intentionnelle », la dette cachée « involontaire » se caractérisant par les aspects suivants :

      - La complexité croissante des instruments de la dette et le manque de cpmpétence à saisir et à enregistrer correctement l’endettement ;

      - Les modalités de prêt complexes qui requièrent une plus grande expertise que le simple encaissement des prêts ;

      - Les instruments et conditions d’emprunt et de prêt complexes faisant appel à un nantissement par des prêts garantis par des ressources et par des partenariats public-privé ;

      - Les formes de financement des entreprises publiques en dehors des rapports réguliers sur la dette publique ;

      - La faible compétence institutionnelle à gérer la dette et les piètres mécanismes de transparence et de responsabilité ;

      - Les efforts visant à élargir la couverture des données sur la dette publique en Afrique et dans les pays à faible revenu afin d’inclure la dette des entreprises publiques ont, dans plusieurs cas, permis d’identifier des montants considérables de dette publique et de dette garantie par l’État qui n’étaient pas pris en compte auparavant, sous la forme d’une dette cachée, qui est passée de 5 % au cours des deux dernières décennies à environ 20 % d’après les informations disponibles et

      - Dans certains cas, la dette contractée par la banque centrale pour le compte du gouvernement est souvent sous-déclarée.

        - Il existe également des cas extrêmes où les banques centrales émettent souvent de la dette et effectuent des swaps de devises pour faciliter le financement du gouvernement plutôt que pour mettre en œuvre la politique monétaire ou gérer les liquidités ou les réserves de change comme prévu.

        1.4. Pourquoi les dettes/passifs cachés posent-ils problème ?

          - Les dettes cachées créent un climat de suspicion et de méfiance qui peut avoir des conséquences politiques et institutionnelles néfastes.

          - Étant donné qu’une restructuration efficace de la dette exige une divulgation complète de la part de tous les créanciers et débiteurs, les dettes cachées empêchent une restructuration ordonnée de la dette et nuisent à la transparence requise dans le traitement de l’endettement

            - Les dettes cachées ont des implications négatives, telles que :

            • Le dommage économique dû à l’utilisation de dettes cachées à des fins illicites
            • Le fait de constituer une ource de choc économique et une cause de stagnation 
            • La mauvaise cote de crédit et l'impossibilité d’accéder aux marchés des capitaux

            1.5. Recommandations pour la contraction et la divulgation de la dette

            • Suite aux expériences passées de l’Afrique face à un fort endettement, l'AFRODAD a adopté une Charte africaine de l’emprunt, qui recommande de ne pas contracter et accumuler la dette publique de manière dangereuse, et ce afin d’éviter les risques de détérioration de la situation budgétaire des États africains.
            • Recommander une gestion de la dette publique fondée sur l’état de droit et le constitutionnalisme, soutenue par une stratégie pour une viabilité de la dette à long terme.
            • Encourager la divulgation et la publication des données sur la dette, y compris la divulgation et la publication des conditions générales de tous les accords de financement.
            • Soutenir le programme de transparence par la diffusion de données, le renforcement des capacités et des politiques de prêt pour aider à la restructuration de la dette souveraine.
            • Des conditionnalités politiques pour ne prêter que si les pays partagent des informations complètes sur l’encours et les conditions de leur dette avec tous les créanciers, que les pays soient déjà en situation d’arriérés ou qu’ils cherchent à éviter les arriérés.

            2. Questions pour encadrer les discussions

            Malgré des décennies, voire des siècles, de recherche et de pratique en matière de gestion de la dette dans une perspective plus large de politique macroéconomique et de gestion des finances publiques :

            - Pourquoi existe-t-il encore des problèmes de dette cachée, non divulguée, non déclarée ou même sous-déclarée et quelles sont les conséquences de cette situation sur la transparence et la responsabilité concernant la dette ?

            - Parmi les prêts, titres et garanties publics, quelle catégorie de ces passifs est susceptible d’être non divulguée, cachée ou sous-déclarée et quelle pourrait en être la raison ?

            - La dette cachée ou non divulguée est-elle une question de manque de capacité de gestion de la dette ou de manque d’harmonisation de déclaration de la dette publique au niveau mondial, et si tel est le cas, quelle est l’incidence de cette charge supplémentaire de déclaration de la dette sur les bureaux de gestion de la dette ?

            - Que font actuellement (ou que devraient faire de façon différente) des institutions telles que le FMI, la Banque mondiale et d’autres institutions en Afrique pour améliorer la transparence des opérations d’emprunt et des rapports sur la dette publique ?

            - Comment les professionnels de la dette devraient-ils gérer les pressions politiques concernant la dette cachée, non divulguée, non déclarée et/ou sous-déclarée et que faire pour garantir la crédibilité des données sur la dette ?

            3. Discussion des panélistes (animée par Mme Sonia Essobmadje, CFACommission économique pour l’Afrique des Nations unies)

            Dans sa réponse, Mme Hannah Ryder, directrice générale de Development Reimagined, a confirmé la présentation du Dr Yungong et a indiqué que la corruption et le manque de transparence ne sont pas des défis spécifiques à l’Afrique en tant que tels. Dans ses remarques complémentaires, elle a indiqué que :

            • La plupart des économies africaines n’ont souvent pas les moyens de réunir les fonds nécessaires pour financer le développement et c’est pour cette raison que ces pays se tournent vers l’extérieur pour obtenir des financements
            • Cependant, que la dette soit cachée ou non, reste à savoir à quoi sert la signature d’une dette.
            • Les conditions de la dette sont-elles les meilleures possibles ?
            • Le plus grand défi que pose la dette est de savoir à quoi elle sert : dépenses courantes ou dépenses d’infrastructure ?
            • L’autre question consiste à déterminer qui doit savoir quoi, car les cadres de transparence ne sont pas destinés aux créanciers, mais aux débiteurs/émetteurs
            • Les centres d’emprunt doivent collaborer pour obtenir de meilleurs résultats.

            M. Mac Banda, chef par intérim de l’unité de gestion de la dette du Secrétariat du Commonwealth, a répondu à la présentation du Dr Yungong et à la question de l’animateur en déclarant que, du point de vue des Objectifs de développement durable (ODD), la plupart des pays craignent de ne pas atteindre les objectifs et la dette est un problème. Des statistiques récentes montrent que la dette a doublé pour atteindre 60 % du PIB, et dans certains cas plus de 100 % depuis 2013 ; les défis peuvent être résumés comme suit :

            • Absence de couverture globale de la dette, limitée à la seule dette de l’administration centrale

            - Déterminer la dette peut sembler simple, mais on voit souvent apparaître dans les rapports un grand nombre d’instruments (non normalisés).

            - La définition d’un instrument de dette n’est donc pas normalisée.

            • Quatre caractéristiques de la qualité des données sur la dette doivent être respectées, à savoir :

            - L'exhaustivité

            - Le respect des délais

            - La précision

            - La fréquence

            • Marche à suivre :

            - Nécessité de renforcer le cadre juridique, en particulier pour les nouveaux instruments financiers, afin de garantir la transparence des déclarations de la dette.

            - Veiller à ce que des systèmes soient en place et, pour ce faire, les pays peuvent s’appuyer sur l'informatique pour enregistrer les transactions.

            M. Jacob Mkandawire, directeur du programme de gestion de la dette au MEFMI, a indiqué, en réponse aux pressions politiques, que les gestionnaires de la dette exercent une fonction délicate qui fait partie de l’économie politique du ministère des Finances :

            • Une fois les cadres institutionnel et juridique renforcés, il devient possible de gérer les problèmes de dette
            • Il faut également prendre les dispositions nécessaires pour préciser les conséquences du non-respect de la loi, ce qui pourrait être le seul moyen d’aider les gestionnaires de la dette à s’y opposer
            • Si le cadre juridique n’est pas solide, les conséquences de la dette cachée risquent de ne pas apparaître
            • Mais l’article 8 du FMI indique qu’il y a des conséquences et si nous savons que de telles intentions de dissimulation de la dette existent, alors il est nécessaire de renforcer le cadre des conséquences
            • Marche à suivre :

            - En effectuant la validation des bases de données sur la dette ; c’est là qu’il est possible de détecter des chiffres non divulgués.

            - S’il est stratégique de dissimuler des dettes, le travail des gestionnaires de la dette devient malheureusement difficile, donc le fait de déterminer si les dettes sont dissimulées de façon intentionnelle ou non est également une tâche importante.

            Au sujet de ce que le FMI, la Banque mondiale et d’autres institutions africaines peuvent faire pour soutenir les gestionnaires de la dette, les intervenants ont partagé quelques idées :

            • Ces institutions peuvent fournir davantage de financements concessionnels et n’ont pas besoin de recourir à des instruments complexes
            • Une meilleure structure pour l’analyse de la viabilité de la dette qui examine à la fois les actifs et les passifs, et dont les gestionnaires de la dette peuvent rendre compte, une chose que les pays africains peuvent faire de manière indépendante
            • Puisque les pays africains sont membres du FMI et de la Banque mondiale, ils peuvent s’appuyer sur des cadres normatifs pour les instruments de la dette
            • Les comparaisons entre pairs effectuées par ces institutions ont été très utiles
            • Ils disposent de ressources et d’un avantage comparatif sur lesquels ils peuvent s’appuyer
            • Le FMI et la Banque mondiale doivent séparer la politique de l’économie lorsqu’il s’agit de leurs politiques de prêt
            • Il doit y avoir une discussion ouverte pour trouver un terrain d’entente sur les défis auxquels sont confrontés les pays africains.

            Remarque : Les organisations sœurs opérant dans le domaine de la dette peuvent collaborer afin d’aider les pays à fournir des données de qualité sur la dette.

            Après avoir réfléchi aux discussions des panélistes et les avoir approuvées, le Dr Yungong a conclu ce qui suit :

            • Les faibles mécanismes de responsabilité en Afrique ne créent pas la confiance indispensable pour faire face au fardeau de la dette.
            • Les gouvernements doivent renforcer leurs cadres institutionnel et juridique.

            Les gestionnaires de la dette publique ont également formulé les commentaires suivants :

            • La viabilité de la dette ne se résume pas à la dette, elle inclut également la croissance du PIB, ce qui souligne l’importance de l’investissement dans les infrastructures.
            • Comme les pays africains ne veulent pas se retrouver en défaut de paiement ou continuer à se retrouver en défaut de paiement envers le FMI, les créanciers traditionnels (multilatéraux) sont remplacés par des créanciers bilatéraux tels que la Chine.
            • Le délai est certainement trop court pour discuter longuement du thème de la dette cachée, non divulguée, non déclarée et/ou sous-déclarée. CABRI devrait envisager de poursuivre les discussions dans le cadre d’un dialogue politique de deux à trois jours.
            • Bien que des termes tels que transparence, crédibilité et fiabilité aient encore de la valeur et contribuent à réduire les coûts d’emprunt, la plus grande réserve de fonds pour un pays viendra du développement de ses marchés locaux de capitaux d’emprunt, car les prêts concessionnels ne suffiront pas toujours.

            Pour toute demande de renseignements, veuillez envoyer un email à Jim Matsemela à l’adresse suivante : jim.matsemela@cabri-sbo.org.

                  [1] « C’est l’identité du débiteur, et non la nature de l’instrument, qui est redoutée par le marché » – citation de l’ouvrage Public Debt Management: Theory and History

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