Les programmes en faveur des pays pauvres très endettés et les initiatives multilatérales d’allègement de la dette dans le millieu des années 90 ont annulé des parts importantes de la dette extérieure dans environ 30 pays africains. Les rapports actuels dette-PIB sont pour la plupart, bien inférieurs à 50 pour cent – 40 pour cent étant considéré comme un seuil soutenable dans les pays en développement.
La tendance inquiétante est que la majorité des emprunts des pays africains a été contractée en devises, car les pays ont profité de taux d’intérêts mondiaux favorables. En raison des prévisions de taux d’intérêt plus élevés attendus dans la zone euro et aux États-Unis, les pays en voie de développement avec des niveaux élevés de dettes en devises étrangères feront face à des risques de refinancement et de change. Si ces derniers se concrétisent, les coûts du service de la dette pourraient devenir inabordables, évinçant ainsi des dépenses publiques cruciales et compromettant les perspectives de développement des pays.
“C’est en période d’abondance, tandis que les conditions des marchés internationaux sont favorables à nos pays, que nous pouvons absorber les coûts à court terme associés à une dette locale plus onéreuse.”
Le symposium inaugural de CABRI sur la dette publique, qui s’est déroulé en décembre 2017, a facilité les échanges entre 24 pays africains et les participants du marché, sur la manière dont les marchés des obligations libellées en monnaie locale pourraient être renforcés pour atténuer ces risques probables et fournir une source stable de financement à long terme. Les discussions ont mis en exergue le fait que les gestionnaires de la dette ont non seulement l’aptitude à financer le déficit de leur pays, mais qu’ils peuvent aussi, en développant le marché de la dette en monnaie locale, réduire la vulnérabilité externe de leur pays et améliorer sa trajectoire économique.
Un document de l’IFC daté de 2016 et intitulé « Developing Domestic Capital Markets » (Développer les marchés nationaux des capitaux) souligne le fait que les marchés nationaux mobilisent des capitaux privés pour financer leurs développements intérieurs, en particulier les infrastructures. En permettant aux sociétés de contracter des emprunts nationaux en monnaie locale, les marchés nationaux de capitaux peuvent réduire les asymétries de devises et le risque systémique. Les marchés des obligations publiques créent aussi des outils pour gérer les chocs macroéconomiques et budgétaires et fournir d’importantes références sur la détermination des prix
“Le bureau de la dette peut veiller à ce que l’Afrique ait accès à une dette à long terme en monnaie locale qui réponde à nos besoins en matière d’infrastructures et de développement à long terme.”
Le bureau de la dette est le bénéficiaire direct du développement des marchés locaux – renforcer le marché national accroît les options de financement du gouvernement et réduit les coûts d’emprunt à long terme. Il est aussi le mieux placé pour stimuler le développement du marché local, grâce à son implication directe dans le marché, son rôle de réglementation, sa compréhension des exigences des investisseurs et son accès à toutes les parties prenantes du marché.
Des communications fréquentes et fluides avec les investisseurs permettent de tirer parti de l’accès aux parties prenantes du marché. Dissimuler des informations peut s’avérer coûteux pour le bureau de la dette – lors d’une crise, , les investisseurs envisagent le pire et en tiennent compte dans leur appréciation de la situation. Lorsqu’il existe une grande transparence des données, les investisseurs peuvent évaluer les risques plus rationnellement et raisonnablement, réduisant ainsi la prime de risques des instruments de la dette publique et augmentant la crédibilité du gouvernement à titre d’émetteur.
Comme nous le savons déjà, les investisseurs désirent toujours minimiser les risques et recherchent le plus haut rendement de leur investissement. Une croissance économique forte est considérée comme une bonne variable indicative de risques faibles dans un pays. Toutefois, nous n’avons pas tous eu une forte croissance, en particulier ces dix dernières années. Améliorer les aspects fondamentaux comme la gouvernance, la facilité des affaires et l’accessibilité aux marchés financiers peut améliorer la confiance et les exigences des investisseurs. Ces efforts ne relèvent peut-être pas directement du mandat du bureau de la dette ; mais il serait sage que les gestionnaires de la dette les abordent en raison de leur impact important sur le coût d’emprunt public.
“Pour attirer les investisseurs vers votre marché, au lieu d’une bonne histoire de croissance, élaborez une bonne histoire de réforme.”
Malgré les avantages économiques évidents du développement des marchés nationaux, les politiciens auront peut-être besoin d’être convaincus si cela implique des coûts d’emprunts plus élevés à court terme. Avant de s’adresser aux politiciens, renforcer le marché national requiert du bureau de la dette qu’il implique tous les acteurs du marché pour créer une proposition de développement du marché, appuyée par tous les participants au marché. L’appui du secteur privé et des acteurs infranationaux ainsi que des analyses détaillées des risques et des coûts, devraient limiter l’aptitude des politiciens à servir leurs propres intérêts à court terme aux dépens de la viabilité de la dette à long terme. Les objectifs de gestion de la dette prévus par la loi, qui soulignent la nécessité de minimiser les coûts à moyen et long termes, ainsi qu’une stratégie de gestion de la dette pour concrétiser cet objectif, pourraient encore limiter l’influence politique excessive et aider les politiciens à reconnaître les limites du gestionnaire de la dette.
Plusieurs pays africains ont effectué des progrès considérables au niveau de l’établissement des marchés de la dette en monnaie locale. Les autres doivent encore renforcer leur crédibilité avant que les investisseurs n’entrent sur leurs marchés ; l’établissement d’un marché national obligataire durable exige à la fois redevabilité, communication et transparence. L’une des questions importantes posées lors du symposium sur la dette, par un gestionnaire de la dette d’un pays à faible revenu, quelque peu frustré, était de savoir « comment instaurer la confiance et la crédibilité si les investisseurs ne sont pas prêts à entrer sur nos marchés et à collaborer avec nous ? » À cette fin, CABRI continuera de faciliter l’apprentissage sur la façon de sortir de ce cercle vicieux en favorisant le dialogue entre les acteurs du marché et les gouvernements.